L’affaire avait été lancée en 2015 par l’excellent blog Arrêt sur images animé par Daniel Schneidermann : le prix du dîner du CRIF – 900 euros par couvert en 2016 – serait déductible des impôts. L’information avait d’ailleurs été confirmée par son vice-président Yonathan Arfi en ces termes : « Non, l’État ne rembourse pas 800 euros. La mention indique seulement que sur les 900 euros dépensés pour participer au dîner, seuls 800 euros sont considérés comme un don, les 100 euros restants sont le prix du repas uniquement. Et seuls les 800 euros ouvrent droit à une déduction fiscale, et non un remboursement. » Précisons qu’une déduction fiscale équivaut à une prise en charge par l’ensemble des contribuables du montant déduit. Précisons aussi que, selon le Code général des impôts, sur ces 800 euros, 66 % sont déductibles d’impôt, soit 533 euros. Enfin, c’est en raison de la nature « association d’intérêt général » que cette déduction est possible.
Jusque-là, tout paraît conforme – à défaut d’être tout à fait normal – et, semble-t-il, ni Daniel Schneidermann ni personne n’ont poussé plus loin l’enquête. Pourtant, une question essentielle est ici soulevée : oui ou non, le CRIF est-il une association d’intérêt général ?
La notion d’association « d’intérêt général », qu’il ne faut pas confondre avec celle « d’utilité publique », est en réalité une notion purement fiscale. Certains dirigeants s’imaginent que toute association peut délivrer des reçus fiscaux à ses donateurs ; il n’en est rien. Pour savoir si une association peut être qualifiée d’intérêt général, leurs dirigeants doivent s’assurer qu’elle réunit trois conditions : une gestion désintéressée, pas d’activité lucrative, pas de fonctionnement au profit d’un cercle restreint. Concernant ce dernier critère, l’administration fiscale précise : les intérêts et l’activité de l’association doivent pouvoir profiter à tous, sans aucun critère de distinction (race, sexe, profession, appartenance à un groupe, même d’anciens combattants).
Il est possible d’interroger l’administration par le biais de la procédure du rescrit mais il faut être vigilant : cette procédure est risquée, compte tenu de l’interprétation restrictive qu’en fait l’administration. Ainsi, par exemple, le Mouvement interrégional des AMAP (MIRAMAP) qui avait sollicité la Direction générale des finances publiques pour savoir si son association pouvait être reconnue d’intérêt général (procédure de rescrit fiscal) obtint une réponse négative au motif que « l’activité des associations visant la promotion d’une agriculture paysanne et durable dans le cadre d’un développement durable concerté n’a pas été reconnue comme une activité de défense de l’environnement naturel ».
Voyons maintenant ce qu’est le CRIF. Le CRIF est une structure organisée pour représenter la communauté juive auprès des pouvoirs publics. Elle fédère une soixantaine d’associations parmi lesquelles l’Alliance israélite universelle, l’Association des médecins israélites de France, l’Association des pharmaciens juifs de France, le B’nai B’rith France, le Comité français pour Yad Vashem, la Fédération des anciens combattants juifs de France, etc. Au niveau international, le CRIF est affilié au Congrès juif mondial.
Parfois, on se prend à regretter que la loi, lorsqu’elle définit une notion de droit, ne prenne pas la peine de définir aussi ce qui en constitue son contraire.