Le 24 mars 2013, puis le 26 mai de la même année, les forces de l’ordre chargeaient comme un troupeau de sangliers, contre des Français manifestant pacifiquement contre le « mariage pour tous ». On se souvient des interpellations, du gaz lacrymogène, des humiliations ; et de Nicolas, ce jeune emprisonné pendant trois semaines, en qui d’aucuns ont vu un prisonnier politique.
Le 14 juillet 2015, des dizaines de manifestants étaient mis en garde à vue pour « rébellion » et « appel à l’insurrection »… Leur tort ? Avoir manifesté (de manière pacifique) devant l’Assemblée nationale pour réclamer une prise de conscience chez les députés et avoir dénoncé un pouvoir, certes légal, mais ayant perdu toute légitimité.
Mais certains semblent gagnés par l’oubli.
C’est ainsi qu’en octobre 2015, quand des manifestations policières éclatèrent dans toute la France pour protester contre le laxisme d’État et les conditions de travail des policiers, j’ai vu avec dégoût – mais sans étonnement – des anciens de la Manif pour tous, et du Mouvement du 14 Juillet, se joindre à ces défilés, « par solidarité ».
Pas d’étonnement, dis-je, car cette « France bien élevée » qui vénère la verticalité étatique et l’ordre bourgeois considère que toute remise en cause des forces de l’ordre et de l’État est l’apanage des « racailles » et des « gauchistes ». Le « Français bien élevé » vomit ces deux espèces ; il préférera donc défiler à côté de ses anciens geôliers plutôt qu’en hommage à Rémi Fraisse, ce jeune zadiste tué dans des circonstances mystérieuses.
Le 6 février 2016, une vingtaine de Français ont été brutalement arrêtés à Calais pour avoir pris part à une manifestation que la préfecture avait interdite pour raisons idéologiques. Rappelons que les manifestants étaient non armés, non cagoulés et non violents ; et que, de plus, ils ne gênaient pas la circulation sur la voie publique. Rappelons, aussi, que la police se montre plus complaisante face aux antifas et aux Femen qu’envers des riverains exaspérés de voir leur ville se transformer en déchetterie. J’aime à croire que, parmi ces manifestants, il s’en trouvait quelques-uns ayant participé à la Manif pour tous, ou au Mouvement du 14 Juillet, et ayant défilé aux côtés de la police en octobre.
Cela servira-t-il de leçon à la « France bien élevée » ? J’en doute. Si, demain, un autre Rémi Fraisse ou un autre Malik Oussekine est tué, feront-ils grève en leur mémoire et monteront-ils sur les barricades ou préféreront-ils continuer à obéir lâchement et à défiler avec la police pour lui témoigner leur « solidarité » ?
Les forces de l’ordre ont choisi d’être Créon, c’est leur droit… Quant à nous, ce n’est pas un droit mais un devoir que nous avons de choisir entre Antigone et Ismène. À voir le comportement servile et bourgeois de ces rebelles « bien comme il faut », je ne doute pas que leur choix est d’ores et déjà fait.
