L’accord, signé le 9 avril 2015, était qualifié de “gagnant gagnant” par le gouvernement. Sauf que si Bercy refuse toujours de publier le “protocole transactionnel”, c’est, selon l’hebdomadaire satirique, qu’il est en fait intégralement à l’avantage des Vinci, Eiffage ou Sanef :
- Elles bénéficient d’une “clause de stabilité fiscale”, qui leur permet de déduire de leur bénéfice imposable tous leurs intérêts d’emprunt. Gains engrangés en 2015 : 170 millions d’euros.
- Elles sont autorisées à faire supporter aux usagers, via l’augmentation des tarifs de péages, l’augmentation de la taxe d’occupation domaniale : 100 millions d’euros par an.
- Elles sont dédommagées du gel des péages d’un an décidé en 2015 par Ségolène Royal et récupéreront le manque à gagner entre 2019 et 2023, en plus d’un bonus de 500 millions d’euros en guise… d’un intérêt de retard de 10%.
- Elles obtiennent une compensation du montant des travauxdu plan de relance autoroutier. Or, comme l’a pointé l’Arafer, l’autorité de régulation routière, les montants annoncés par les sociétés autoroutières sont globalement surfacturés. D’autant qu’elles confient “un niveau élevé” de ces travaux à… leurs maisons-mères, groupes de BTP !
En contrepartie, les autoroutiers devront eux verser une “contribution volontaire” annuelle d’environ 50 millions d’euros, sur vingt ans. Une paille.
Chantage à l’emploi
En septembre 2014, un rapport de l’Autorité de la concurrence évaluait pourtant le bénéfice net des sociétés d’autoroutes à… 24% de leur chiffre d’affaires. Une “rentabilité qui n’apparaît justifiée ni par leurs coûts ni par les risques auxquels elles sont exposées”, tonnait alors l’autorité.
Mais les mesures de rétorsion décidées à l’époque par Ségolène Royal, dont la gratuité des autoroutes le week-end et le gel de la hausse des péages, sont strictement illégales et les autoroutiers disposent là d’un moyen de pression juridique qu’ils vont utiliser à plein lors des négociations, explique le “Canard”.
Les concessionnaires menacent également de renoncer aux 3,2 milliards d’euros de travaux qu’ils s’étaient engagés à mener en échange de l’allongement de la durée des concessions. Argument massue, alors que le secteur du BTP est sinistré et que les emplois disparaissent par milliers chaque année.
Pierre Cardo, alors président de l’Arafer, raconte en ces termes au “Canard” les négociations chaotiques du début 2015 :
“L’Etat n’avait aucune volonté de mener une vraie négociation et n’avait aucune stratégie. Les sociétés d’autoroutes, filiales des grandes boîtes de BTP, avaient au contraire une grande force de persuasion avec leur puissance financière et leur chantage à l’emploi.”