Une semaine et un jour

Une semaine et un jour est un titre très explicite dans le contexte culturel juif, puisqu’il signifie le temps de la fin du deuil. Une semaine et un jour après le décès, les proches du défunt doivent sortir de leur deuil et reprendre une activité normale. On se doute que les choses ne sont pas si évidentes, surtout s’il s’agit pour un couple de surmonter la perte d’un fils unique, mort d’un cancer à vingt-cinq ans. Ce huitième jour est celui de l’ultime cérémonie au cimetière, puis la vie doit reprendre son cours. Dans la culture juive, la famille et les amis font l’effort d’être physiquement présents autour des parents du défunt ; lorsqu’ils partent tous, en même temps, reste l’impression d’un grand vide physique et d’une solitude morale.

Une semaine et un jour est souvent présenté comme une comédie, ce qu’il n’est pas, ne serait-ce qu’à cause de son sujet. Le père s’effondre nerveusement, et au lieu de se montrer digne, d’une sobre douleur désormais seulement intérieure, s’abandonne à une conduite extravagante… Il se livre à des actions absurdes, à des gamineries typiques d’adolescents israéliens, avec la complicité active du fils des voisins, d’à peu près l’âge de son défunt fils, postadolescent lui-même parfaitement immature. Bien des critiques en France ont cru pertinent de rire à ces tristes facéties pourtant indignes en soi, et particulièrement dans le contexte. En fait, le film n’est absolument pas drôle, et probablement pas voulu tel, tant l’expression d’un profond désespoir est évidente. S’il a respecté, du moins jusqu’à ce fatal huitième jour, les traditions religieuses formelles, ce père est un matérialiste : pour lui tout est fini à la mort physique, et la vie de son fils, et la sienne et celle de se femme. Ils n’ont plus qu’à réserver, en urgence, les tombes à côté de celle du fils, et attendre de mourir…

En contrepoint à cette conduite extravagante navrante, est montrée à la fin du film une conduite digne plus attendue et elle vraiment exemplaire. Un frère, évidemment aussi effondré de douleur intérieurement, préside à l’enterrement de sa sœur, emportée également par un cancer. Il prononce alors un très beau discours, en un hébreu relevé, certes moderne mais imprégné d’expressions bibliques, qui, au-delà de l’éloge de la défunte et son courage face à la maladie, énonce une profession de foi en l’immortalité de l’âme. Dans le contexte juif, il manque évidemment Jésus-Christ, plus qu’un détail, mais à notre époque matérialiste, en France comme en Israël, nous avons trouvé ce discours particulièrement émouvant. Selon nous, il sauve le film. Le personnage perturbé y retrouve une conduite digne, accompagnant le cortège d’une inconnue.

Lu sur Réinformation TV

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