Champagne et alléluias à l’archevêché de Paris : le siège parisien échoit à un autre fils du cardinal Lustiger, Michel Aupetit, évêque de Nanterre, 66 ans. La joie est à la mesure inversée des craintes que l’on a nourries tout au long de la préparation ardue de cette nomination, de la voir se porter sur un candidat “franciscain”.
Car c’était loin d’être joué. Le Pape, ou son entourage, s’y intéressait beaucoup. On a donc parlé du très progressiste Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, au caractère fort difficile, soutenu, dit-on, par l’influent cardinal Danneels. Des rumeurs ont aussi circulé à propos du beaucoup plus civil et amène Père François-Xavier Dumortier, jésuite, ami intime du Pape, ancien recteur de l’Université Grégorienne, supérieur de France de la Compagnie. Mais de nombreuses bonnes fées veillaient : entre autres, le nonce Ventura, le cardinal Ouellet, Préfet de la Congrégation des évêques, et surtout le cardinal Vingt-Trois lui-même, qui avait fait de la consécration de Nanterre, le 4 mai 2014, une vraie fête de famille.
Michel Aupetit, qui fut médecin en proche banlieue parisienne pendant douze ans avant d’entrer au séminaire, où il fut accueilli par Éric Aumonier, depuis évêque de Versailles, est le moraliste du monde ecclésiastique de la capitale (Contraception : la réponse de l’Église, Téqui, 1999). Il importait beaucoup au cardinal Vingt-Trois, très affecté par la tournure des synodes sur la Famille et de leur aboutissement dans Amoris lætitia, de maintenir cette ligne à Paris.
Quels rapports cet homme aimable, non dépourvu d’autorité, à la parole si franche qu’elle devient parfois gaffeuse, entretient-il avec les choses liturgiques ? Le 2 décembre 2007, comme vicaire général, il avait imposé, lors d’une messe au Val-de-Grâce, dépendant du diocèse aux Armées, d’y célébrer désormais face au peuple. En revanche, il a très volontiers organisé une messe anniversaire pour le motu proprio Summorum Pontificum, dans sa cathédrale de Nanterre, le 11 novembre dernier. S’il a été empêché, in extremis, de présider la cérémonie, c’est peut-être pour éviter que des photos n’en trônent aujourd’hui sur les blogues.
Accéder au siège de Paris, c’est aussi l’assurance de la barrette rouge, une place obligée à la Congrégation des évêques, un poids dans les nominations françaises, une influence déterminante sur la Conférence des évêques, d’autant que se prépare aujourd’hui la succession de la présidence de Mgr Pontier qui aura été très pâle. C’est devenir un de ceux qui influeront sur le visage de l’Église de France demain. Ce lustigérien – néo-lustigérien ? –qu’est Mgr Aupetit aura-t-il la capacité de favoriser les nécessaires regroupements d’énergies pour sauver ce qui peut encore l’être après le pontificat de François, dans une France devenue par ailleurs postchrétienne ?
66 ans c’est concrètement la promesse d’un épiscopat d’une dizaine d’années. Autour du nouvel archevêque, on suppute qu’un autre Parisien pourra alors venir d’un autre siège pour prendre la suite. Bref, on rêve sur l’air de « Paris sera toujours Paris »…
Lu sur Riposte catholique
Mais c’est sur Michel Aupetit que le choix pontifical s’est porté. Cet homme de 66 ans – il est né le 23 mars 1951 à Versailles – est peut-être moins connu que les autres pressentis, mais cela ne risque pas de durer… Celui qui était évêque de Nanterre depuis avril 2014 et jusqu’à aujourd’hui pourrait bien peser dans le débat public dans les jours qui viennent. Le choix du pape François est, en effet, stratégique à plus d’un titre. D’abord, l’homme a été ordonné prêtre sur le tard – à 44 ans ! Avant cela, et après des études à la faculté de Bichat, il a exercé en tant que médecin généraliste à Colombes pendant onze ans. Pour faire simple, l’homme connaît la vie, donc. Et, autre particularité, c’est un spécialiste de la bioéthique médicale, domaine sur lequel il a des avis tranchés : il est titulaire d’un diplôme universitaire sur le sujet, il a enseigné la matière au CHU Henri-Mondor de Créteil de 1997 à 2006 et il a écrit de nombreux ouvrages sur ces sujets. La promotion d’un chef avec ce profil n’est pas anodine alors que les débats sur la PMA, la GPA, etc. vont encore largement occuper la scène publique dans les mois qui viennent.
Mais Mgr Aupetit a d’autres cordes à son arc pour rassembler le peuple catholique de Paris, diocèse dans lequel il a déjà été, précédemment, vicaire général – comme le fut André Vingt-Trois aux côtés du cardinal Lustiger – puis, même, évêque auxiliaire. À ces fonctions, il a accompagné les chantiers du cardinal – l’organisme qui pilote la construction de nouvelles églises –, a présidé Radio Notre-Dame et aussi la commission d’art sacré. Un médecin connaisseur de « la pâte humaine », réputé pour son contact chaleureux et ses paroles incisives, expert à la fois de la bioéthique que des questions de patrimoine et de culture… C’est un personnage au spectre large qui prend la tête du diocèse phare de l’Église de France.
L’hommage de Libération à Mgr Michel Aupetit
“En fait, sa nomination surprend et déçoit. Pur produit du clergé parisien, il n’apporte pas le courant d’air frais que beaucoup attendaient, même parmi les évêques. Dans les rangs catholiques (et pas seulement parmi ceux qui ont une sensibilité à gauche), on pariait sur un autre choix du pape François, grand pourfendeur de la nomenklatura cléricale, défenseur d’une Eglise des périphéries et de l’engagement social. Aupetit, lui, correspond davantage à un profil se situant dans la lignée et la continuité d’un Jean Paul II et d’un Benoît XVI. […]
Le choix d’Aupetit est un vrai cadeau à la frange la plus radicale du catholicisme français. Spécialiste des questions bioéthiques, le nouvel archevêque de Paris est, dans ce domaine, un ultraconservateur. «Doctrinalement, c’est quelqu’un de très sûr», relève Philippe Portier. Ses anciennes déclarations ne laissent aucun doute sur son engagement à venir. Comme le cardinal Philippe Barbarin, il a été un farouche opposant au mariage pour tous. Il avait donné le ton, en juillet 2012, dans une interview à Paris Notre-Dame, l’hebdomadaire du diocèse de Paris. «ll ne convient pas, qu’au nom d’un individualisme exacerbé, on crée une loi pour chaque catégorie de personnes, déclarait-il. Sinon, pourquoi pas la polygamie ? L’inceste ? L’adoption d’un enfant par un frère et une sœur ? Pourquoi pas, en effet, “puisqu’ils s’aiment”, pour reprendre l’argumentation des partisans du “mariage homosexuel” ? » Le nouvel archevêque de Paris est tout autant opposé à une ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux célibataires, là aussi sur la même longueur d’onde que la Manif pour tous. Pourfendeur de ce qu’il appelle régulièrement «la boboterie parisienne», Aupetit ne fait jamais dans la dentelle. «La véritable question, c’est effectivement la disparition du père, répondait-il en juin 2017 dans une interview à Famille chrétienne, à propos de la PMA. […] L’enfant devient un simple produit manufacturé : sous prétexte qu’il est objet de désir, il est mis à la disposition des adultes, comme l’on ferait pour une voiture ou un smartphone à la mode !»
Dans les débats à venir en 2018, Aupetit se profile clairement comme un archevêque de combat. Et risque d’être clivant au sein même des catholiques. Beaucoup de responsables ne souhaitaient en effet pas rejouer l’opposition frontale comme lors des grandes manifestations contre la loi ouvrant le mariage à tous. Visiblement, ils n’ont pas été entendus au Vatican.”
Lu sur Le salon beige
Bibliographie
- 1999 : Contraception : la réponse de l’Église, éditions Pierre Téqui, (ISBN 978-2740306819)
- 2005 : Découvrir l’Eucharistie, en collaboration avec Christian Clavé, éditions Salvator, (ISBN 978-2706703874)
- 2008 : L’embryon, quels enjeux ?, éditions Salvator, (ISBN 978-2706705274)
- 2009 : La mort, et après ?, éditions Salvator, (ISBN 978-2706705304)
- 2011 : L’homme, le sexe et Dieu, éditions Salvator, (ISBN 978-2706708787)
- 2016 : Construisons-nous une société humaine ou inhumaine ?, éditions du Moulin, (ISBN 979-1090043046)