Khibula est le nom d’un village de Géorgie. Il est situé dans les montagnes caucasiennes, à proximité de la frontière russe. Le site est très célèbre en Géorgie, et en Géorgie seulement, puisqu’y est mort l’éphémère président Gamsakhourdia dans les derniers jours de 1993. Ce président géorgien, qui avait imposé l’indépendance de son pays à l’été 1991, lors de l’explosion de l’URSS, avait été contesté et chassé suite à deux guerres civiles.
Le film raconte ses derniers jours de fuite, suite à des combats perdus dans Tbilissi, et dans les ports par ses partisans. Le président, ébranlé intérieurement, mais ferme et digne dans ses apparences et ses discours, hésite : doit-il fuir en Russie, comme le lui conseille le dernier cercle de ses partisans et un colonel russe de passage, évidemment pas par hasard, ou au contraire tenter de résister à tout prix, se cacher dans les villages des montagnes en attendant un sursaut de ses partisans ? Ce sursaut devient de plus en plus improbable au fil des jours. Les villages traversés, qui appartiennent certainement à son clan, ce qui n’est jamais du reste explicitement précisé, deviennent de moins en moins accueillants au fur et à mesure que le caractère désespéré de la cause de Gamsakhourdia s’affirme. Personne ne veut être le dernier mort de la guerre civile, ni même voir sa maison détruite par les ultimes combats.
Khibula, un film à voir pour les spectateurs curieux de son sujet
Khibula propose un portrait favorable du président Gamsakhourdia, vu comme un patriote géorgien et un chrétien orthodoxe exemplaire. Il ne veut pas d’un nouvel exil ni devenir un pion dans la politique extérieure russe et accepte son sort. Il tient à mourir dans son pays et, de son point de vue, pour son pays. Khibula propose un sujet absolument inédit et original sur les écrans en France. La passion de Gamsakhourdia, construite à l’imitation de celle du Christ est-elle pour autant juste historiquement ? Le fait reste très discuté en Géorgie, tout comme le personnage, héros national, fin lettré, philologue géorgien et poète pour les uns, dangereux irresponsable ultranationaliste, voire criminel, pour d’autres. Le jeu très complexe, erratique, qu’ont mené les grandes puissances dans la région en 1991-93, Russie, comme Etats-Unis, n’aide certainement pas à éclaircir la période. Elle a été marquée par quasiment deux ans de guerre civile larvée en Géorgie et une lourde défaite dans la province géorgienne sécessionniste d’Abkhazie, drame national, aggravé depuis en 2008 par l’intervention russe récente.
Techniquement, le film manque un peu de rythme, conséquence du choix de vouloir rendre une longue agonie. Khibula est un film à voir pour les spectateurs curieux de son sujet.