Dans le luxueux restaurant “Gustu” de La Paz, la chef danoise Kamilla Seidler prépare avec soin un tartare. Mais au lieu du bœuf, elle utilise du lama, une viande traditionnelle jugée plus saine et nourrissante.
“Avant on disait que c’était la viande des pauvres, mais maintenant c’est la plus chère du pays”, explique cette chef de 32 ans, dont le tartare agrémenté de câpres, de riz et de manioc, se vend 75 bolivianos (plus de 9 euros).
A des milliers de kilomètres de là, German Churqui, éleveur de lamas dans les Andes boliviennes, se réjouit de ce regain d’appétit pour une viande qui a toujours fait partie de la gastronomie traditionnelle indigène. “La viande de lama est bonne, donc nous avons l’espoir que le prix monte” car elle “peut facilement faire concurrence” aux autres viandes rouges, raconte cet homme de 45 ans, père de quatre enfants et à la tête d’une exploitation de 150 bêtes à 3.800 mètres d’altitude dans la région de Turco (ouest).
Gentiment moqué chez Tintin, le lama, un camélidé apprécié pour sa laine et utilisé comme bête de somme, rencontre un certain succès dans le milieu de la haute cuisine. Cette réussite n’est pas nouvelle: cela fait dix ans que le lama s’est invité sur les tables des restaurants de luxe de la région, qui proposent par exemple un carpaccio de lama accompagné de quinoa et saupoudré de parmesan, le tout surmonté de petites feuilles de salade.
(…) Bien que viande rouge elle aussi, la chair de lama affiche une importante teneur en protéine, mais surtout une faible teneur en cholestérol qui, selon la Bolivie, la rendent plus saine. Dès 2013, le ministère du Développement rural avait publié un rapport assurant que la viande de lama affiche “une haute teneur en protéine faiblement grasse, influant sur la formation d’un niveau faible de cholestérol, assimilable par le corps humain et avec un faible pourcentage d’acide urique”.
A Turco, la majorité des 5.200 habitants vivent de l’élevage de lamas… ou plutôt, survivent. German Churqui vend le kilo de viande en gros à 20 bolivianos (environ 3 euros), chaque bête lui apportant 800 à 1.000 bolivianos (100 à 130 euros), à raison de 20 à 40 animaux vendus dans l’année. “Cela nous sert à vivre, nous ne faisons qu’élever des lamas”, dit-il.
La viande est ensuite transformée en “charqui” ou viande déshydratée qui se vend sur les marchés jusqu’à 120 bolivianos le kilo (plus de 15 euros). Le procédé, millénaire, consiste à faire sécher la viande, recouverte de sel, au soleil pendant plusieurs jours.
On trouve des lamas dans toute la région andine, en Equateur, au Chili, au Pérou et en Argentine… mais la Bolivie, avec ses 2,8 millions de bêtes, détient à elle seule 60% du cheptel d’Amérique du Sud.
(…) Mais si le pays veut réussir son pari et commencer à exporter cette viande, il doit clairement améliorer toute la chaîne de production, souligne José Luis Rios, membre des services techniques du département d’Oruro: “la gestion du bétail, l’alimentation, la santé animale et l’amélioration sur le plan génétique”.