Maesta la passion du christ

Réalisée entre 1308 et 1311 pour le maître-autel de la cathédrale de Sienne, la Maestà de Duccio est l’un des plus importants retables de l’art italien. Œuvre monumentale de presque 5 m de hauteur, et autant en largeur, elle est peinte sur les deux faces : d’un côté, une Vierge en majesté (la Maestà à proprement parler), de l’autre, 26 compartiments représentant les scènes de la Passion.

Ce sont ces 26 tableaux que le réalisateur Andy Guérif a choisi de recréer. Pour chaque panneau, le décor mis en place par Duccio a été reconstitué fidèlement, et le cinéaste y fait évoluer des figurants qui s’animent avant de se figer un instant dans la position que leur a donnée le peintre. Un travail extrêmement précis et soigné, qui n’aura pas demandé moins de sept années de tournage avant de voir le jour ; les scènes ont en effet été réalisées une par une, entraînant à chaque fois la destruction d’un décor, puis la création d’un nouveau.

L’art de raconter la Passion

Dans ce tableau vivant, la caméra suit les scènes l’une après l’autre et guide ainsi le regard du spectateur, confronté à un sens de lecture particulièrement sinueux mis en œuvre par Duccio. Andy Guérif cherche à montrer comment ce magistral polyptyque raconte une histoire, en restituant tous les procédés narratifs élaborés par le peintre du Trecento. Parfois, plusieurs scènes se déroulent simultanément, ce qui oblige le spectateur à adopter un regard plus épars, tout comme dans un vrai retable, fractionné en de multiples panneaux.

Cette démarche de suivre les scènes une par une aboutit à un récit pathétique, qui passe également par l’expressivité et le dynamisme des personnages. Le prosaïsme, bien présent dans certains détails peints par Duccio, est également rendu chez Guérif par un bruit de fond perpétuel, signifiant l’agitation de la foule, et des dialogues très triviaux. Cela inscrit peut-être davantage l’œuvre dans son époque. Enfin, les costumes des figurants ainsi que les couleurs des décors rappellent précisément le chromatisme particulièrement riche de la peinture de Duccio.

Une œuvre théâtrale

Il s’agit pour le réalisateur de montrer, par le cinéma, la fabrique de l’image. Le recours au septième art est aussi un moyen de révéler la théâtralité de l’œuvre de Duccio. Ainsi, les personnages s’installent dans des décors dont les procédés et machineries ne sont pas sans rappeler ceux du théâtre médiéval.

Mais l’une des plus intéressantes réflexions menées par Guérif est sans doute l’attention qu’il porte aux lieux créés par Duccio. Si le peintre ne respecte pas la perspective, et conçoit souvent des décors aux proportions invraisemblables, le cinéaste choisit de reproduire ces ruptures d’échelle, non sans humour. Il oblige les personnages à se tordre dans tous les sens, et à se serrer dans des espaces particulièrement restreints.

Pendant une heure, le spectateur est plongé dans ce chef-d’œuvre de l’art sacré et apprend à le redécouvrir pour mieux contempler la Passion du Christ, avant un plan final éblouissant dévoilant l’ensemble du retable animé.

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