L’art contemporain est toujours debout. Le néant a des pieds d’argile, mais soutenu par un corset financier solidement étayé, il n’est pas près de s’effondrer. Des livres qui font contre lui coups de boutoir sont donc toujours nécessaires, après ceux d’Aude de Kerros, Jean Clair, etc. D’où cet ABC de l’art dit contemporain signé Nicole Esterolle – un pseudonyme qui dissimule une figure du monde de l’art.
Le lecteur trouvera dans ce dictionnaire des dénonciations sérieuses, des bouffonneries hilarantes (il suffit de citer deux lignes de « littérature » conceptuelle parlant d’une œuvre, d’un plasticien, pour obtenir un effet comique assuré – alors quand on en cite dix !), et la description, au fil des articles, de ce qu’est l’art contemporain : un art de classe, un système d’enrichissement d’une oligarchie, système établi technocratiquement avec ses FRAC, DRAC… tandis que les investisseurs privés (richissimes) font eux aussi joujou avec leurs structures. L’ADIAF, par exemple, Association pour la Diffusion internationale de l’Art français, remet chaque année son Prix Marcel Duchamp suivant des critères affligeants.
L’un des apports de cet ABC est de dresser la nocivité de l’enseignement artistique, du collège aux écoles d’art (articles « Carnage », « Consanguinité », « Enseignement », « Pervers », « Radicalisés »). Un enseignement ne saurait être mieux voué à la débilitation des esprits et des talents. Mais regrettons que le dictionnaire dénonce la réduction « ad hitlerum » des opposants à l’art contemporain tout en véhiculant de solides clichés. Pour Christian Noorbergen, auteur de la notice « Extrême », l’extrême droite est « l’extrême de l’inculture », et il soutient que la critique de l’art contemporain « n’a rien à voir avec l’indigence culturelle abyssale et dangereuse d’une nauséabonde frontalité minablement nationale ». Voilà qui est écrire aussi ridiculement que les plasticiens, manier le poncif comme l’artiste le plus plat. Etre confondu avec « l’extrême droite » reste la grande peur des bien-pensants.
- Nicole Esterolle, ABC de l’art dit contemporain, Jean-Cyrille Godefroy, 240 pages, 18 euros.