Aux États-Unis, une majorité d’enfants n’apprend plus à écrire que sur un clavier. La fin de l’apprentissage de l’écriture manuelle est annoncée en Finlande. La maîtrise de la saisie sur clavier est plus importante, a récemment jugé un haut responsable de son système éducatif. La réforme devrait être appliquée à la rentrée 2016. Un virage déjà pris par 45 États américains qui ont exclu l’écriture cursive, dite aussi «en attaché», du socle commun des connaissances. Spécialiste de l’apprentissage de la lecture et du langage chez l’enfant, professeur à l’université Paris Descartes, le linguiste Alain Bentolila s’élève contre de telles réformes.
– En Finlande, les écoliers ne vont bientôt plus apprendre à écrire à la main mais utiliseront un clavier. Qu’en pensez-vous?
Alain BENTOLILA. – C’est une très mauvaise décision. Non pas que je sois un nostalgique de la calligraphie. Cependant, quand on écrit à la main, on fait un acte singulier. Le fait de tracer sereinement des lettres et des mots permet à mon esprit de les porter. Ce qui n’est pas le cas avec des machines ou des tablettes.
Le pragmatisme ne doit-il pas l’emporter? L’écriture sur ordinateur permet aux enfants d’être lisibles, de rendre des textes plus propres, voire d’utiliser le correcteur orthographique…
Ce sont de faux arguments auxquels il faut opposer l’effort, la gratification, la conscience de l’autre que seule permet l’écriture graphique.
Vous avez l’appui des neuroscientifiques qui sont plutôt favorables au maintien de l’écriture cursive.
Elle permet, selon eux, de mieux mémoriser, elle développe la motricité fine chez l’enfant. Bien sûr. La mémoire se construit grâce à l’écriture manuelle et non avec un écran.
Les petits Américains ou Finlandais apprennent-ils tout de même à écrire manuellement, par exemple en lettres capitales, ou s’en remettent-ils au seul clavier?
A mon sens, dans ces pays, on va vers une disparition totale de l’écriture manuelle. Mais envisage-t-on de rédiger des courriers importants sur un ordinateur? Je ne m’imagine pas envoyer une lettre de condoléances autrement écrite que manuellement.
Quelle est la position des enseignants français sur cette question?
Il existe un consensus, dans l’enseignement public comme privé, pour maintenir l’écriture cursive.