L’épave d’un navire romain, naufragé au début de notre ère au large de Roscoff (Finistère), a livré ses exceptionnels secrets, quelque 800 lingots d’étain, à l’occasion d’une campagne de fouilles menée depuis la mi-août par des archéologues. Datant d’une période comprise entre le IIe et le IVe siècle après JC, selon Olivia Hulot, la responsable des fouilles, c’est seulement la seconde épave antique jamais retrouvée et fouillée en Bretagne et dans tout l’arc Atlantique.
«Découvrir une telle épave est suffisamment rare pour que cela soit exceptionnel», déclare à l’AFP Olivia Hulot, qui dirige en Bretagne le Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm).
«Ca l’est d’autant plus que la cargaison du navire est également extrêmement rare, par sa nature, sa variété et sa richesse», ajoute l’archéologue sous-marine.
L’équipe scientifique pluridisciplinaire de 24 personnes qui, depuis le 18 août, participait à ces fouilles à bord du navire de recherches André-Malraux, a remonté quelque 800 lingots d’étain d’un poids total de plus de 5,5 tonnes.
Plus exceptionnel encore, une partie des lingots étaient constituée d’un alliage d’étain et de plomb, comme l’a révélé l’analyse effectuée sur les lieux des fouilles par une chercheuse du CNRS, selon Olivia Hulot. D’une grande hétérogénéité de formes et de poids – entre 500 grammes et 34 kilos pour le plus lourd – ces lingots, très altérés par leur séjour dans les eaux de la Manche, sont gravés d’estampilles à base de lettres ou de symboles.
C’est l’étude de ces signes, qui va désormais commencer, qui permettra d’en savoir plus sur l’origine de la cargaison. «Nous allons chercher à déterminer la ou les mines d’où a été extrait le minerai, mais aussi les procédés d’extraction et le réseau d’approvisionnement et de diffusion dont témoigne ce chargement», souligne Olivia Hulot.
Des petits vestiges de céramique, de vaisselle en étain ou des poids de balance ont également été retrouvés par les plongeurs.
L’épave avait été découverte il y a 20 ans par des pêcheurs d’ormeaux, à proximité de l’île de Batz, mais ce n’est que cet été qu’une campagne de fouilles y a été entamée, après une expertise en mai.
La précédente épave romaine recensée le long des côtes bretonnes avait été trouvée en 1983 dans l’archipel des Sept-Iles, à cinq milles au large de Ploumanac’h (Côtes d’Armor). Datant également d’une période comprise entre le IIe et le IVe siècle, l’épave, dont ne subsistait ni la coque ni le mobilier, gisait par 10 mètres de fond dans une zone de forte houle et de courants violents.
Les trois campagnes de fouilles effectuées par le Drassm entre 1984 et 1986 avaient déjà permis de retrouver un chargement de 270 lingots, mais de plomb cette fois, dépassant les 20 tonnes au total. De formes grossières et pesant chacun entre 28 et 140 kilos, ces lingots étaient tous estampillés. Les noms, chiffres et symboles gravés sur ces pièces avaient permis de les relier à des tribus celtiques romanisées de Grande-Bretagne, les Icenes et les Brigantes.
Premier témoignage matériel de l’existence d’un commerce maritime des matières premières en Manche dans l’Antiquité, la découverte de l’épave de Ploumanac’h avait marqué un tournant, selon l’Association pour le développement de la recherche en archéologie maritime (Adramar), basée à Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine.
«C’est à partir de cette découverte que l’archéologie sous-marine française a commencé à se développer dans l’arc Atlantique», souligne Laetitia Le Ru, archéologue à l’Adramar.
Photo aérienne prise le 22 mars 2004 du petit port de Roscoff, dans le Finistère (Photo Marcel Mochet. AFP)