Imaginez que nous n’utilisions que 10% de la capacité de notre cerveau. Que se passerait-il si nous pouvions l’exploiter au maximum? C’est la question que pose Luc Besson dans son film Lucy.
Incarnée par l’Américaine Scarlett Johansson, Lucy est une étudiante fêtarde à Taïwan. Un amant la convainc d’apporter une valise dans un hôtel et tout tourne mal: elle se retrouve aux mains de mafieux chinois qui veulent en faire une mule et insèrent dans son abdomen un paquet d’une drogue expérimentale. Après un passage à tabac, le paquet de cristaux bleus fuit, et la molécule, le “CPH4”, se dissémine dans son organisme et lui donne progressivement accès à 100% de ses capacités cérébrales.
Lucy tape alors à vitesse supersonique sur deux ordinateurs à la fois, fait léviter ses ennemis, perçoit les ondes des téléphones portables, manipule humains et appareils électroniques par télékinésie…
Sauf que… c’est un mythe. Une légende urbaine, un rêve, ce que vous voulez, mais pas un fait scientifique.
La faute d’Einstein?
Remontons un peu le temps (et oui, ça, nous en sommes capables!) pour comprendre qui a bien pu être à l’origine d’une telle affirmation. Il paraît qu’Albert Einstein aurait lui-même expliqué son intelligence en faisant justement référence à cette inutilisation partielle des capacités de notre cerveau. Malheureusement, aucun document écrit ne prouve que c’est la faute du pauvre homme.
Plus probablement, l’idée viendrait du psychologue et philosophe William James qui, dans son livre The Energies of Men, paru en 1908, a écrit: “nous n’utilisons qu’une petite partie de nos potentielles ressources mentales et physiques”.
Quoi qu’il en soit, depuis, l’idée a fait son chemin, et ce n’est pas le cinéma qui dira le contraire. Car avant Lucy, d’autres films ont exploité le filon de ce mythe. Parmi eux,Phénomène, un film dramatique et fantastique de 1996 réalisé par Jon Turteltaub, avec John Travolta, ou encore Limitless, un thriller américain réalisé par Neil Burger, avec Bradley Cooper, Abbie Cornish, et Robert De Niro, en 2011:
On utilise bien plus que 10% de notre cerveau
Par ailleurs, les neurosciences ont réussi à prouver que notre cerveau est actif entièrement, tout le temps. Lorsqu’on fait une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), il est vrai qu’on ne voit jamais tout le cerveau actif en même temps. L’activité cérébrale est repérable par petites zones qui s’illuminent à l’écran. Mais, comme l’explique le professeur en neuroscience et psychologie de l’Université de New York Joe LeDoux à The Atlantic, “le cerveau pourrait être actif à 100% en réalisant une tâche même si seule une toute petite partie lui est entièrement dédiée”.
“De nombreux types d’études d’imageries du cerveau montrent qu’aucune zone du cerveau est complètement silencieuse ou inactive”, écrivaient même les chercheurs Rachel C. Vreeman et Aaron E. Carroll sur le New York Times. “Des investigations minutieuses du cerveau n’ont pas pu identifier ce ‘non-fonctionnement’ à 90%.”
Que se passerait-il si on n’utilisait que 10% de notre cerveau?
En 2012, des scientifiques de l’Université de Harvard ont trouvé une petite cellule immunitaire neurale – la microglie – qui est capable de supprimer des synapses en bonne santé mais inutiles. Dans l’hypothèse où elle supprimerait les 90% de notre cerveau supposés inutiles, nous serions tous, indique Psychology Today sujets à l’atrophie cérébrale, un peu comme les malades d’Alzheimer.
Au final, la seule part de vérité dans ce mythe, c’est qu’on n’utilise en effet pas toute la capacité de notre cerveau. “La plupart du temps, nous opérons bien en-dessous de notre potentiel maximum, en raison de facteurs divers, tels que la fatigue”, indique la professeure en neuropsychologie clinique Barbara Sahakian à The Independant.
Pour ceux qui se le demandent, elle ajoute: “C’est impossible de savoir quel pourcentage de notre cerveau nous utilisons, mais ce qui est sûr, c’est que c’est bien plus que 10%”.
Pourtant, l’an dernier, 65% des Américains croyaient encore à ce mythe, rapporte le site Wired. Pourquoi? “Cet air de déception quand je dis que c’est faux suggère que le mythe des 10% est l’un de ces optimistes tabous qui refusent de mourir parce que ce serait tellement bien si c’était vrai”, écrit Barry L. Beyerstein, de l’Université Simon Fraser de Vancouver (Canada).
Lucy a d’ailleurs d’ores et déjà conquis le box-office américain en salles et offre au réalisateur français le meilleur lancement de film de sa carrière aux Etats-Unis, en récoltant quelques 44 millions de dollars pour son premier week-end d’exploitation.