Robert B. Sept nuances de gris

Il serait peut-être temps de réhabiliter l’un des plus grands écrivains du siècle passé, voire de la littérature française. Avocat et secrétaire général du prix des Hussards, François Jonquères, a pris son courage à deux mains pour écrire un roman d’exception : Robert B. Sept nuances de gris. Nos lecteurs très avertis auront compris que ce Robert ne pouvait être que Brasillach, un auteur condamné à mort et exécuté, le 6 février 1945, par un peloton d’exécution pour ses seuls écrits journalistiques. Un crime d’État autorisé par le général de Gaulle qui voyait là un moyen de pression, malgré la demande de grâce que lui avaient adressée de nombreux écrivains et intellectuels de l’époque dont Paul Valéry, François Mauriac, Paul Claudel, Albert Camus, Colette, Jean Cocteau, Jean Anouilh, Marcel Achard…

Il serait évidemment inconcevable, aujourd’hui, de condamner à mort quiconque pour ses articles. Alors, François Jonquères a pris sa plume pour une plaidoirie afin, non pas de ressusciter l’écrivain Brasillach, mais pour que ses œuvres puissent être à nouveau diffusées, sans haine, sans honte et sans reproche, au plus grand nombre.

Dans ce roman, l’auteur s’emploie à bien séparer le journaliste de Je suis partout, qui avait une réelle admiration pour l’ordre allemand et une tendance antisémite indéniable, de l’écrivain de plusieurs chefs-d’œuvre dont on retrouve des citations tout au long de ce roman. Les Sept Couleurs, qui lui permettent de décrypter sept nuances de gris destinées à redonner vie aux livres de Brasillach. Comme le temps passe…, dans lequel Robert B. décrit la plus belle scène d’amour que le plus grand talent aurait eu peine à écrire pendant une certaine nuit de Tolède. Toute une époque du Paris d’avant-guerre. Puis la guerre d’Espagne.

François Jonquères prend prétexte d’une rencontre fortuite entre Esther, une adolescente juive, et Valérius, un affreux et sordide Français qui se bat aux côtés des franquistes puis s’engage dans la Waffen SS. Leur seul point commun : l’œuvre de Brasillach, dont chacun emporte un livre tout au long du roman de leur vie. Valérius, qui a réussi à échapper au rouleau compresseur russe lors de la chute de Berlin, trouvera une nouvelle vie vouée à sauver son prochain avant de se sacrifier au cours d’un engagement en Algérie, avec un exemplaire en poche de La Conquérante, non sans avoir déclamé les émouvants Poèmes de Fresnes, écrit au fin fond de sa cellule avant d’être exécuté.

François Jonquères achève donc son roman par une plaidoirie adressés à Mesdames les Juges, dans laquelle il décline ses propres nuances de couleurs où domine le gris, couleur de la tristesse, où il explique au tribunal quelle fut la vie de cet écrivain maudit, renié et oublié, qui fut condamné à mort alors que des auteurs antisémites comme Lucien Rebatet ou Céline ne l’ont pas été. Oui, écrit Jonquères, à la cinquième nuance, un gris plus brillant : « Le garçon n’a pas vingt-deux ans que déjà il dégaine une Présence de Virgile à couper le souffle. » Brasillach sera fusillé à l’âge de 33 ans. On peut imaginer, lorsque l’on connaît la richesse de ses écrits, ce qu’il aurait pu apporter à la littérature française si de Gaulle n’avait pas été intraitable face à son avocat, Me Jacques Isorni.

François Jonquères n’hésite pas à être politiquement très incorrect : « Il est grand temps d’ouvrir nos yeux et de faire revivre une œuvre bien digne d’être chérie. »

Nul écrivain ne mérite la haine éternelle et l’implacable oubli qui perdure depuis cette aube glacée du 6 février 1945 qui le vit s’effondrer au pied du poteau d’exécution.

Floris de Bonneville – Boulevard Voltaire

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