Les Survivants ont à nouveau frappé. Et fort ! Après avoir investi les panneaux publicitaires du métro avec des affiches interpellant les candidats à la présidentielle, puis les abribus, provoquant la colère de JC Decaux, ils reviennent sur les réseaux sociaux et internet. Cette fois-ci, le « buz » est parti d’une image de Simone Veil mise en ligne le jour de sa mort, image que beaucoup ont pris pour un hommage fait à celle qui fit dépénaliser l’avortement en 1975. Surprise, le 5 juillet, le visuel très partagé sur les réseaux sociaux, redirigeait vers un site, simoneveil.com, détenu par les Survivants montrant que la loi Veil a bel et bien disparu en l’état. Un web-documentaire y retrace sa vie, mais aussi et surtout, les méfaits de l’avortement et la métamorphose d’une loi qui, de la dépénalisation d’un crime, est devenue la revendication d’un « droit » absolu. Entretien avec Emile Duport, porte-parole des Survivants.
– Quand avez-vous eu l’idée de ce gros coup de communication ?
— Il y a un an et demi, nous avons préempté le nom du domaine : simoneveil.com. L’idée de faire ce webdocumentaire est venue en travaillant sur le sujet. Il existe un préjugé tenace en ce qui concerne l’interruption volontaire de grossesse : c’est que l’on est encore sous le régime de la loi Veil, alors que ce n’est absolument pas le cas. Il y avait un véritable scénario pédagogique à construire autour de cela. Nous avons renoncé à interviewer Simone Veil par rapport à l’avortement pendant les dernières années de sa vie parce que nous ne voulions pas être accusés de l’instrumentaliser.
— Mais cette campagne est tout de même une sorte de récupération…
— Nous n’avions pas d’autre choix que de récupérer cette figure en y apportant des nuances et de la réflexion, par la mise en abîme de la postérité politique et sociale de cette femme. A l’origine, la dépénalisation de l’avortement a été faite pour des raisons médicales. Pourtant, 40 ans après, la santé des femmes s’est dégradée. Il était légitime de se préoccuper de ce problème de santé mais la réponse donnée par l’avortement n’est manifestement pas la bonne. Nous avons été accusés de récupération. Ce que nous avons fait peut être vu comme une indélicatesse parce que le site est sorti le jour de ses obsèques, mais nous faisons de la communication !
— Comment cette action a-t-elle été reçue ?
— L’image a été très partagée sur les réseaux sociaux. Elle a reçu 24 000 like sur Facebook, a été partagée 18 000 fois. En revanche, nous avons eu 18 000 vues sur le site aujourd’hui, ce n’est pas mal mais nous nous attendions à faire mieux.
— Pour vous qui êtes de farouches opposants à l’avortement, il peut paraître étrange que vous lanciez une action qui prend tout de même la tournure d’un hommage. N’est ce pas paradoxal ?
— On ne sait pas ce que Simone Veil avait dans la tête lorsqu’elle a défendu cette loi. Ce qui est évident c’est que cette loi est une maladresse politique : il aurait fallu que cela reste dans le secret du prince, que l’on encadre la pratique sans la dépénalisation, pour éviter des drames. Il faut voir aussi qu’à l’époque il y avait une énorme pression sociétale, des revendications émanant de la plupart des intellectuels et des gens du show-biz.
Il est clair que l’avortement n’est pas une question de loi ou de droit. Mais le risque est que l’on enferme notre famille de pensée dans un débat pénalisation ou restriction, on cristallise le débat là-dessus et on évite ainsi d’aborder la question de fond.
Alors oui, cela peut être perçu comme un paradoxe mais je m’appuie sur les propos de Simone Veil qui, s’ils étaient vraiment appliqués en l’état, verraient le nombre d’avortements baisser. Le constat qui était fait à l’époque c’est qu’il existait des femmes tellement désespérées par leur grossesse qu’elles étaient prêtes à se faire charcuter dans des caves. Il faut être capable de l’entendre, c’est une question de psychologie et cela ne remet pas en cause nos convictions.
Et puis, vous savez, nous faisons de la communication : je n’allais pas me mettre à taper sur une des personnalités préférées des Français. C’eût été contre productif. Les Survivants sont un laboratoire, pas une institution ou un regroupement d’intellectuels. Nous jouons sur le pathos, l’émotionnel : c’est ce qui marche aujourd’hui ! Nous savions, en lançant cela, que cela ne serait pas consensuel !
Propos recueillis par Anne Isabeth pour Présent