C’est une satisfaction pour les amoureux de la littérature comme pour les militants de la cause animale : le 43e Livre Inter a été attribué à Jean-Baptiste Del Amo pour son grand roman « Règne animal », paru à la rentrée dernière chez Gallimard.
Le romancier de 35 ans y fait vivre le quotidien, de la fin du XIXe siècle à 1981, d’une famille d’exploitant agricole du Gers, montrant l’âpreté et la violence partagées par les hommes et les animaux, et l’évolution de la ferme vers l’élevage intensif.
« J’ai essayé d’écrire un livre qui soit une expérience physique, émotionnelle », a déclaré Jean-Baptiste Del Amo au micro de France Inter lundi 5 juin, à propos de son livre, qui décrit sans détours la cruauté des hommes envers les bêtes que tentent de justifier les tenants de l’élevage industriel. Le romancier n’omet pas de montrer la violence des hommes entre eux, puisque son livre commence peu de temps avec”la boucherie” que sera la guerre de 1914-18, à laquelle partiront les hommes de l’exploitation.
« Je ne voulais pas idéaliser l’élevage, ce rapport aux animaux de la ferme traditionnelle. L’industrialisation de l’élevage a décuplé cette violence de manière effrénée : Je voulais montrer comment les hommes ont été gangrenés par cette violence », a expliqué Jean-Baptiste Del Amo
Interrogé sur France Inter, le lauréat a aussi expliqué avoir eu l’impulsion de son roman lors de la visite d’une porcherie industrielle en compagnie de son ami écrivain Tristan Garcia (par ailleurs lauréat du Livre Inter 2016).
Engagé pour l’association de protection animale L214, Jean-Baptiste Del Amo a évoqué ce combat et comment L214 « a permis de légitimer le débat sur la condition animale, de le porter dans le débat public. Un débat de fond est engagé, qui va changer la société ».
Résumé éditeur
Au cours du XXe siècle, Règne animal retrace, en deux époques, l’histoire d’une exploitation familiale vouée à devenir un élevage porcin. Dans cet environnement dominé par l’omniprésence des animaux, cinq générations traversent le cataclysme d’une guerre, les désastres économiques et le surgissement de la violence industrielle, reflet d’une violence ancestrale. Seuls territoires d’enchantement, l’enfance, celle d’Eléonore, la matriarche, celle de Jérôme, le dernier de la lignée et l’incorruptible liberté des bêtes, parviendront-elles à former un rempart contre la folie des hommes ? Règne animal est un grand roman sur la dérive d’une humanité acharnée à dominer la nature, et qui dans ce combat sans pitié révèle toute sa sauvagerie et toute sa misère. “Des images lui reviennent, surgies d’une mémoire atavique : des plaines fourragères et sauvages, des souilles établies dans les fougères, au coeur de forêts primitives, des rivières indomptables aux flots desquelles il s’abreuve, des meutes de loups qui menacent, une harde innombrable, dont il fait partie, et avec laquelle il chemine. Puis, se superposent les voix des hommes, les encouragements et les cris, les coups assenés sur le groin, dans les flancs, sur la croupe, leurs mains qui l’empoignent par l’oreille et la tordent, leurs mains qui déversent la nourriture dans l’auge, leurs mains qui font couler l’eau, leurs mains qui le guident vers la truie immobile, saisissent son sexe qui tâtonne et le guident. Enfin, le visage ovale et redoutable des hommes qui se penchent par-dessus les barrières des enclos et décident du jour et de la nuit”.