Si l’on juge la ligne d’un gouvernement, mais aussi sa lucidité et son courage, à son porte-parole, alors les Français ont du souci à se faire avec ceux du gouvernement Macron-Philippe.
En effet, sur la question du terrorisme islamiste, M. Castaner nous fait faire des régressions intellectuelles considérables. La maigre lucidité que nos dirigeants et nos élites avaient acquise depuis 2015 semble lui avoir complètement échappé. Socialiste provençal battu à plates coutures par la droite et le Front national, sa reconversion dans l’« Enmarchisme » a dû l’occuper à plein temps pour qu’il en arrive à proférer deux inepties en trois jours, aux micros les plus variés, et avec l’assurance la plus déconcertante. Sans que cela soulève le tollé qu’elles méritaient.
Sur Europe 1, M. Castaner a notamment déclaré : « Cessons de parler d’État islamique, ils trahissent la religion qu’ils prétendent servir. Ce sont juste des assassins. »
Juste des assassins… Ben voyons, il fallait y penser. Le porte-parole du gouvernement français, devant les centaines d’attentats et de morts officiellement revendiqués par l’État islamique, souhaite que l’on ne parle plus d’État islamique… Ne faudrait-il pas leur passer un coup de fil pour qu’ils changent leur marque, M. Castaner ? Une forme de reconversion du produit, un changement d’étiquette : « les assassins », ou « juste des assassins ». Pas sûr qu’ils soient d’accord avec vous.
Après cette contribution de haute volée à l’éclaircissement de l’islamisme, Pascal Bruckner est l’un des rares intellectuels français à avoir remis, dans Le Figaro, M. Castaner à sa place, et à l’inscrire dans cette déplorable tradition du déni de l’évidence : ces assassins-là sont des musulmans et tuent au nom de leur foi.
« Dire que ce terrorisme n’est lié à aucune religion c’est tout simplement faux. Le calife et ses soutiens se revendiquent de l’islam. […] la systématisation de la terreur n’appartient aujourd’hui qu’à la sphère islamique. Le nier c’est se priver du moyen de désigner ceux qui veulent nous tuer et qui le font comme à Londres “au nom d’Allah”. Personne aujourd’hui ne tue au nom de Jésus, Vishnou ou Moïse. »
Mais M. Castaner, sans doute grisé par les sondages et le miroir complaisant que lui tendent les journalistes, n’en est pas resté à ce déni-là. Réagissant à l’attentat contre un policier sur le parvis de Notre-Dame, il a enchaîné les énormités : « un acte isolé », « un homme qui n’était pas marqué par la radicalisation […] marqué au sens des signes qu’il pourrait donner dans sa pratique personnelle ». Encore un problème de marque ! Ce journaliste d’origine algérienne, thésard de quarante ans, n’avait pas affiché sa marque : pas de barbe, pas de fréquentation de mosquée salafiste, etc. Et pourtant… Y aurait-il des radicalisés qui cacheraient leur radicalisation ? En bon islamologue, M. Castaner pourrait peut-être nous donner le nom de cette pratique ? Y aurait-il des islamistes dans les professions intellectuelles ? Parmi nos étudiants ?
Avec M. Castaner, nous sommes passés des autruches honteuses et pleurnicheuses du quinquennat Hollande aux autruches péremptoires. Droit dans leurs bottes. C’est aussi cela, la révolution Macron: le règne des autruches jupitériennes. Ce sont ces autruches-là qui nous gouvernent désormais. De haut.
Pour ceux qui voient autre chose que des actes isolés dans les attentats de Nice, Berlin, Bruxelles, Paris, Manchester, Londres, etc., et qui savent bien, eux, que la marque « islamiste » a développé mille sous-marques, il ne reste plus que le bulletin de vote. Dès dimanche.