Protection des chrétiens d’Orient, submersion migratoire, voyage en Russie, poursuites du Qatar contre Florian Philippot, interdiction du FN…
— Vous rentrez de quatre jours en Egypte où vous avez rencontré les plus hautes autorités religieuses et politiques du pays. Quelle est la réaction là-bas au projet du FN ?
— Le projet du FN, ils le connaissent mal. Le communiqué du grand imam d’Al-Azhar, Ahmad Al Tayyeb, le démontre. De manière très diplomatique il dit : « Nous avons discuté des positions de Marine Le Pen sur l’islam telles que rapportées par les médias internationaux. » J’ai eu l’occasion de lui expliquer qu’une partie de l’image du Front national était structurée avec la complicité de la classe politique et des médias par les fondamentalistes eux-mêmes qui ont tout intérêt, dans une stratégie assez bien développée, à hurler à l’islamophobie dès qu’on les attaque, pour essayer de coaliser l’ensemble des Français musulmans et de les laisser penser qu’ils sont victimes d’une injustice. J’ai été amenée à rétablir la vérité de ce qu’est le projet du Front national. Projet qui ne m’a pas semblé du tout les choquer. Et notamment le fait que l’on exige que chacun respecte les lois et les traditions du pays. C’est un sujet sur lequel nous sommes tous tombés d’accord tant avec le grand imam qu’avec le Premier ministre égyptien. C’était une œuvre de clarification que l’on ne peut faire en réalité que lorsque l’on se déplace et que l’on voit les gens directement. Sinon vous êtes l’otage de la caricature qui est faite par vos adversaires politiques de vous-même dans les médias.
Nous sommes tombés d’accord sur beaucoup de constats. Et d’abord le constat d’une très grande naïveté des gouvernements occidentaux à l’égard du fondamentalisme islamiste, de ses buts, de ses moyens, de ses capacités de propagation. Nous sommes parfaitement tombés d’accord sur les causes du développement du fondamentalisme au niveau international. A savoir l’Irak, la Libye, les choix qui ont été faits, y compris en Syrie dont l’Egypte n’est pourtant pas l’allié le plus naturel c’est le moins que l’on puisse dire. Et puis nous avons discuté avec le grand imam de la nécessaire coopération dans l’avenir entre le ministère des Cultes français et l’autorité d’Al-Azhar intervenant comme autorité indépendante dans le but de faire un audit sur le niveau de prise en main des centres cultuels mais aussi des centres culturels français par les fondamentalistes islamiques. L’idée n’étant pas d’aller chercher des solutions chez eux, car les solutions c’est à nous de les trouver, mais au moins de savoir de quoi l’on parle et de connaître le niveau de cette imprégnation.
— Vous avez également rencontré le patriarche copte, Théodore II d’Alexandrie ?
— C’était un moment très émouvant pour moi. Mon arrière-grand-mère était copte, elle a vécu en Egypte toute sa vie, je venais aussi sur les traces de l’histoire familiale maternelle qui a été beaucoup moins médiatisée que l’histoire familiale paternelle. Mon arrière-grand-mère est née à Assiout, elle a vécu quasiment toute sa vie en Egypte. Ma grand-mère est née à Alexandrie et y a vécu vingt ans. Assiout est une ville où il y a une très grande communauté copte. Le Patriarche copte est un homme d’une très grande sagesse, d’une très grande bonté, remarquable, qui ne s’est jamais plaint alors que leur situation est très difficile. Nous avons rappelé que la France devait retrouver son rôle de protecteur des chrétiens d’Orient et nous avons exprimé au Patriarche toute notre solidarité à l’égard des chrétiens d’Orient et des chrétiens d’Egypte, ce qui n’est pas exactement la même chose.
— Par quel biais la France pourrait-elle protéger les chrétiens d’Orient ?
— Elle pourrait d’abord avoir une relation particulière avec eux. Elle pourrait participer à dénoncer sur la scène internationale leur situation, ce qu’elle se prive de faire aujourd’hui. Et puis accessoirement, prendre les bonnes décisions en matière internationale. C’est-à-dire considérer que la volonté d’éradication des chrétiens d’Orient est un élément qui doit contribuer à notre réflexion et à nos prises de décisions dans les différents pays où cette minorité est massacrée. En revanche, je trouve qu’il est un peu facile – et le patriarche copte était à ce sujet sur la même longueur d’onde que moi – de considérer, comme le gouvernement français, que la défense des minorités chrétiennes consiste à dire : on va en prendre 5 000. J’ai rappelé au Patriarche copte que j’étais tout à fait consciente que les coptes et les chrétiens d’une manière générale, n’avaient pas du tout envie de quitter leur pays. C’est leur pays, ils ont le droit d’y rester. Je parle quand même au Patriarche copte, descendant des pharaons, juste 4500 ans d’histoire ! Il était parfaitement d’accord avec ça.
— Vous dites qu’il y a 1,5 million de migrants qui attendent de traverser la Méditerranée, soit de l’Egypte, soit en partant de la Libye. Si vous étiez au pouvoir, que feriez-vous ?
— Ce phénomène se traite sur deux pivots. Le premier pivot c’est en amont. C’est la politique dissuasive d’immigration que je veux mettre en œuvre. C’est à dire supprimer l’intégralité des pompes aspirantes qui font que la France est dans le monde la destination privilégiée. Parce qu’il y a à la clé de la présence clandestine en France toute une série d’aides, de facilités, d’espérances qui font monter sa cote. En aval, concernant l’arrivée massive d’immigrés clandestins qui va s’aggraver car les tentatives de traversée dépendent aussi bien entendu de la météo, et le printemps et l’été vont être un élément favorable pour ces traversées, il faut faire comme l’Australie. Il n’y a pas d’autre solution que celle-là. Je le dis depuis longtemps, j’étais allée en 2012 à Lampedusa pour tenir le même discours, je n’ose imaginer le nombre de milliers de personnes qui sont arrivées depuis. Car il y a ceux que l’on arraisonne et puis il y a ceux que l’on n’arraisonne pas. Quand on dit « aujourd’hui 4 500 clandestins ont été arraisonnés », on ne sait pas s’il n’y en a pas dix mille qui sont arrivés à bon port. Il faut les arraisonner, c’est une certitude, pour les mettre en sécurité. Mais il faut les ramener au port de départ. Et pas sur les rives de l’Union européenne. Car là, on se comporte comme les complices des passeurs, on facilite leur travail. Ces derniers ne manqueront pas d’ailleurs, compte tenu de cette facilité, d’augmenter leurs tarifs puisque la certitude d’arriver sur les rives de l’Union européenne augmente en pourcentage avec l’intervention de la marine, dans ces conditions. Je pense que quand on aura ramené dix, vingt bateaux au port de départ, les candidats à l’immigration clandestine auront clairement reçu le signal que la tentative est inutile. Avec cette politique-là, l’Australie a réussi le tour de force de zéro migrant sur son sol et zéro mort au large de ses côtes.
— Vous avez rencontré le président de la Douma il y a dix jours. Quel était l’objet de cette visite qui a beaucoup intrigué les médias français ?
— Mes voyages à l’étranger intriguent beaucoup les médias français car je ne les emmène pas. J’ai constaté que les journalistes qui se déplacent dans les voyages internationaux, en ce qui me concerne, ne le font que pour pouvoir saboter ces voyages. Je suis quelqu’un de très naïf et de confiant mais à partir du moment où l’on m’a fait le coup une fois, j’ai compris. Donc depuis 2011, je ne les préviens pas. Je n’ai d’ailleurs pas à les prévenir. Le fait que la présidente du premier parti de France rencontre une fois par an à peu près le président de la Douma m’apparaît tout à fait normal. Nous avons évoqué toute une série de sujets, de l’Ukraine au comportement de l’Union européenne et à l’embargo, et évidemment nous avons parlé de la situation au Moyen-Orient. Je ne comprends pas ce qui étonne dans cette démarche.
— Est-ce que vous pensez que la Russie est un allié de choix dans la lutte contre l’Etat islamique ?
— Non seulement je le crois, mais je ne suis pas la seule à le croire. L’Egypte, évidemment, le croit aussi. Tous les pays qui sont engagés contre le fondamentalisme islamiste savent pertinemment que l’on ne réglera pas le problème sans une alliance avec la Russie. Je vous renvoie à une déclaration faite par M. Rohani (NDLR : Le président iranien) il y a quelques jours. Il dit que le comportement à l’égard de la Russie leur pose un problème considérable car ce comportement limite les capacités de la Russie à armer ceux qui en Irak luttent contre le fondamentalisme islamiste.
— Vous avez déclaré que Manuel Valls avait commandé une note juridique à ses services pour savoir si une interdiction du Front national était possible. Où en est-on de cette affaire ?
— J’ai dit que Manuel Valls avait constitué une cellule d’avocats confiée à Jacques Guyard, son successeur à la mairie d’Evry et son homme de main, avec comme ordre du jour : peut-on envisager la dissolution du Front national ? Quand on ne peut plus rien faire pour empêcher un adversaire politique de monter dans les différentes élections, quand l’ensemble des campagnes de diffamation qui sont menées contre lui ne servent à rien, quand la diabolisation ne fonctionne plus, quand les multiples informations judiciaires que l’on déclenche pour tenter d’atteindre son image ou gêner son fonctionnement ne marchent pas, quand le déclenchement d’une enquête parlementaire sur son financement ne sert à rien, il faut bien essayer d’envisager l’ultime solution.
— Le Qatar a porté plainte contre Florian Philippot qui l’accusait de financer « l’islamisme qui tue » dans la foulée des attentats de janvier. Fabius a affirmé que le Qatar était vierge de tout soupçon. Est-ce que le FN va faire le procès du Qatar ?
— J’ai conseillé à Florian de se prévaloir de son immunité parlementaire. Dans un but bien précis : voir quels sont ceux qui oseront voter la levée d’immunité pour permettre à la dictature qatari islamiste de poursuivre un parlementaire français qui n’a dit que ce qu’a déjà dit l’ancien responsable de la DST. Ou ce qu’écrivent les journalistes d’investigation qui ont un peu travaillé sur ce sujet. Ou ce que disent les grandes puissances comme l’Egypte ou les Emirats arabes unis. Nous sommes sur un problème de principe. Je ne vous cache pas à cet égard que j’ai été extrêmement choquée d’entendre Jean-Marie Le Pen sur son blog, défendre le Qatar. Et le silence tonitruant de la classe politique et médiatique qui devrait, puisqu’ils sont Charlie il me semble, défendre la liberté d’un parlementaire de dénoncer ce type de comportement, est déjà en soi extrêmement révélateur. Le fait que le président du comité d’éthique du Parti socialiste, parrain du fils de Hollande, et l’ancien avocat de Juppé et de Copé soient main dans la main les avocats du Qatar dans cette affaire, a évidemment un sens politique. Si ce procès arrive un jour devant les tribunaux, on va se régaler. Parce que l’on va apporter les centaines d’éléments qui démontrent le financement par le Qatar du fondamentalisme islamiste. On croule sous ces éléments. Le Qatar n’avait jamais fait de procédure en diffamation contre ceux qui l’affirmaient. Moi-même j’ai à de multiples reprises dénoncé le comportement du Qatar. Alors pourquoi maintenant ? Peut-être en raison de ce voyage en Egypte, précisément.
— Quels sont ces éléments que vous avez en votre possession ?
— Il y a des anciens de la DST qui contredisent Laurent Fabius de la manière la plus claire. Un certain nombre de personnes nous ont d’ores et déjà contactés pour nous dire qu’ils nous transmettront des éléments. Il est intéressant de voir que le Qatar cherche à procéder à une forme d’intimidation, une forme de fatwa judiciaire. Ils vont arriver à l’effet exactement inverse. C’est l’effet Streisand. Nous allons être amenés à développer la dénonciation de cet Etat et les conséquences de son soutien au fondamentalisme islamique. J’avais dit que ce pays finançait, armait et soutenait les islamistes, nous allons redoubler d’énergie pour le dénoncer. Et de fait, dénoncer par ricochet la complicité de la part de l’UMP et du PS qui non seulement ont donné au Qatar ses lettres de noblesse, mais ont fait voter des lois fiscales spécifiques pour les exempter d’impôts. Je vous signale qu’Anne Hidalgo vient de déclarer qu’elle était tout à fait solidaire du Qatar dans son action contre Florian Philippot car le Qatar avait fait beaucoup pour la lutte contre l’homophobie dans les stades ! J’avoue que pour un pays qui tranche la tête des homosexuels… Je pensais que c’était un coup de Gorafi (NDLR : Pastiche de site d’information, Figaro en verlan) mais il semblerait que non ! Et que le Qatar avait fait beaucoup pour la défense du foot féminin… sachant qu’il a mis tout son poids dans la balance pour que les joueuses de football soient voilées. J’ajoute que Pierre Péan a fait un grand livre sur les actions corruptrices du Qatar sans que personne l’ait poursuivi en diffamation.
Propos recueillis par Caroline Parmentier
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