Le Saint-Siège a manifesté son accord pour que s’ouvre le procès en béatification de Dom Helder Camara, celui que l’on surnommait « l’évêque rouge ». C’est l’archevêque d’Olinda et Recife, Mgr Fernando Saburido, qui a ouvert officiellement, le 3 mai dernier, en la cathédrale du Saint-Sauveur d’Olinda, la phase diocésaine de l’enquête en vue de la béatification de son prédécesseur. On le sait, la béatification n’est pas la canonisation, il peut s’écouler un certain temps entre les deux et parfois la canonisation n’intervient pas, mais peut tout aussi bien être accélérée.
C’est ainsi que la canonisation de sainte Jeanne d’Arc, dont la cause était limpide et la sainteté éclatante, n’intervint que onze ans après sa béatification, et que celle de Charles de Foucauld n’a pas encore eu lieu, et il a dû attendre longtemps, jusqu’en 2005, sa béatification. Cet attentisme serait motivé par son « colonialisme »… Car il se mêle des considérations politiques à cet acte religieux. Mais il est vrai qu’au stade de la béatification, le pape n’engage pas son autorité, il s’agit seulement d’une enquête, contrairement à la canonisation, qui est une décision du souverain pontife.
A l’évidence, pour Mgr Helder Camara, cet aspect-là a joué. L’archevêque de Recife, qui renonce à son palais épiscopal pour une maisonnette au cœur d’un bidonville, François ne peut y voir qu’un modèle accomplissant son désir d’une « Eglise pauvre au service des pauvres ». Le Père Camara, comme il préférait qu’on l’appelât, était en faveur de « l’option préférentielle pour les pauvres ». A vrai dire, il y a un moment que l’Eglise et ses saints ont pris cette « option », quoique le service des pauvres, selon Notre-Seigneur, ne soit pas une matière à option ! Sans remonter aux origines, qu’on se souvienne seulement de saint Vincent de Paul ou des ordres hospitaliers et caritatifs qui, au XIXe siècle notamment, se mirent au service des pauvres, des malades, des laissés-pour-compte de la société.
En Amérique latine une partie du clergé, dans les années 70, a confondu Marx et Jésus en sacrifiant à la théologie de la libération faisant le jeu de la guérilla armée (les pauvres qui avaient besoin de spiritualité se tournèrent alors vers les protestants pentecôtistes). Pour les prêtres engagés, il fallait abattre les « structures de péché », à savoir le capitalisme, même si cela ouvrait la voie à la structure autrement tyrannique du communisme. Mgr Helder Camara, certes, ne sacrifia pas directement à ces théories, mais ne désavoua jamais ceux qui le firent. C’est pourquoi Jean-Paul II refusa d’exaucer son vœu de voir son auxiliaire, qui partageait ses vues, lui succéder, le pape d’alors préféra un évêque plus traditionnel.
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