Les archéologues qui fouillent actuellement dans l’île de la Cité cherchent encore à percer le mystère de l’oppidum.
Derrière une palissade de bois, une échelle métallique s’enfonce à cinq mètres sous la surface. Et cette simple descente, entre tessons de céramique et tombes oubliées, suffit à plonger au cœur de l’histoire de Paris. Depuis la mi-avril, une équipe d’archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) fouille, sous la direction du spécialiste d’archéologie urbaine Xavier Peixoto, un espace de 300 m2 sur le site de la Préfecture de police, au beau milieu de l’île de la Cité.
Le temps leur est compté. La Préfecture de police va bâtir sur les lieux une nouvelle salle d’accueil du public et les fouilles devront être achevées début août ou, au plus tard, début septembre en cas de découverte majeure. Un calendrier qui ne dérange pas des professionnels habitués à travailler vite et bien.
Des découvertes encourageantes
Six semaines après le début de leurs travaux, ils présentent un premier bilan. Et la moisson semble encourageante. Une dizaine de sépultures médiévales, datées du XIIIe-XIVe siècle ont ainsi été découvertes. Ces ossements, étudiés par une anthropologue, livreront leurs derniers secrets (âge des défunts, causes éventuelles de la mort, conditions de vie, régime alimentaire…). Une pierre tombale a même été retrouvée avec l’inscription «Petrus Graper» témoignant qu’un Pierre a vécu et est mort sur cette terre il y a de cela six ou sept siècles. Pour Xavier Peixoto, ces corps peuvent être ceux «de paroissiens ou de moines».
Les fouilles ont en effet permis de dégager les fondations de l’église Saint-Éloi, construite en 1632 et ayant succédé à un monastère d’hommes fondé en 1107 par les moines de Saint-Maur-des-Fossés. Point de trace, en revanche, pour le moment, de l’abbaye de femmes, fondée en 635 sous la direction de Saint-Éloi et sous la protection du roi Dabogert Ier. Les historiens racontent que les moines de Saint-Maur avaient obtenu l’expulsion des religieuses en arguant de l’«inconduite» de ces dames… Argument pratique et de mauvaise foi ou signe d’un réel relâchement des mœurs en 1107? L’archéologie ne peut apporter de réponse et ce mystère-là demeurera entier…
Xavier Peixoto s’intéresse en revanche à un autre mystère, l’un des plus sensibles de l’archéologie française: l’île de la Cité fut-elle occupée par l’oppidum (ville fortifiée) de la tribu gauloise des Parisii avant la défaite infligée par Titus Labienus, lieutenant de César?
Pendant des décennies, nul ne contestait que, avant de devenir Paris, la Lutèce romaine ait bien succédé à l’oppidum des Parisii. Tout au plus certains sceptiques soulignaient-ils l’absence de vestiges gaulois significatifs datant d’avant la conquête de César, en 52 avant Jésus-Christ.
Lutèce gauloise
En 2003, la découverte d’une vaste cité gauloise lors de fouilles dans les Hauts-de-Seine a semé le trouble. Pour certains archéologues, la messe est dite: la «Lutèce gauloise» était installée à Nanterre, dans une boucle de la Seine, et ce n’est qu’après la conquête romaine que la capitale des Parisii fut bâtie sur la rive gauche et l’île de la Cité.
Xavier Peixoto, avec d’autres spécialistes, pense visiblement que c’est aller un peu vite en besogne. Il rappelle que, dans les années 1990, de la céramique et des ossements d’animaux datant du IVe siècle avant Jésus-Christ ont bien été retrouvés au bord de l’île, preuve «qu’un Gaulois s’est bien promené là», ce qui n’a d’ailleurs rien d’étonnant si l’on considère que l’itinéraire nord-sud passant par là a toujours été un axe majeur. La fouille de 2013 permettra-t-elle de retrouver trace de l’oppidum des Parisii? D’un geste, Xavier Peixoto désigne un carré de terre daté des environs de l’an zéro et sur lequel des céramiques gallo-romaines ont été retrouvées. C’est là, sous cette fine pellicule de terre, et en prenant bien garde de ne pas miner les murs des bâtiments existants, que les archéologues vont tenter d’arracher à Paris l’un de ses derniers secrets.
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