Depuis quinze jours, les habitants de Villeneuve-sur-Lot qui traversent la rivière par le pont Vieux constatent que Notre-Dame-du-Bout-du-Pont est constamment fermée. Sur la porte, cette information : « Église fermée par décision municipale suite à des dégradations. » Le journal Sud-Ouest révèle que les dégradations en question ont été causées par un incendie volontaire. Une voisine ayant donné l’alerte à temps, une patrouille de police a pu intervenir. Les dégâts auraient pu être considérables dans cet édifice aux soubassements en bois.
Notre-Dame-du-Bout-du-Pont, c’est, pour le Villeneuvois encore un peu habité par la foi, cette protection simple et confiante, surplombant les eaux tumultueuses du Lot, et de nos vies, cet appel à passer sur l’autre rive, quand on est entre deux eaux, c’est la légèreté et la fragilité de la grâce capable de nous tirer miraculeusement sur l’autre bord sain et sauf, comme elle le fit pour les bateliers du Moyen Âge. Pour les incroyants soucieux de patrimoine et d’histoire, c’est l’un des plus beaux symboles de la ville. Et la municipalité de M. Cassany, le dauphin et successeur de M. Cahuzac, a tenu à la restaurer en 2013.
Qui peut donc en vouloir à cette pauvre chapelle née de la foi des bateliers ? L’article de Sud-Ouest, qui a pourtant mis quinze jours à enquêter, nous livre un coupable assez vague : « l’in-ci-vi-li-té ». Mais il nous apprend que cet acte n’est pas isolé, que les principales églises de Villeneuve ont été régulièrement vandalisées ces dernières années. Le curé de la paroisse, le père Bouchet, interrogé par le journaliste, a porté plainte et détaille tous ces actes.
« Ce même samedi, la porte de la sacristie de la chapelle du cimetière Sainte-Catherine a aussi été défoncée. Elle abritait un tronc… »
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Quant à l’église principale de la ville, Sainte-Catherine, son tabernacle avait été profané en 2013 et, en février dernier, « les deux autels latéraux ont été allumés simultanément… L’église la plus visitée de façon malveillante reste Saint-Étienne. Elle était restée fermée un mois, il y a cinq ans, suite à un feu. Il y a peu, la porte de la sacristie a été forcée. Comme elle a résisté, le mur a été défoncé. »
Ainsi va la vie des églises d’une petite ville du Sud-Ouest… Des faits divers noyés dans un grand silence, banalisés, jusqu’à ce coup de gueule bien justifié du curé.
Quant à notre journaliste, il n’a guère enquêté sur les raisons et les auteurs de ces nombreuses dégradations-profanations : ni le commissaire ni le maire ne sont interviewés. Rien à dire sur le sujet ? La parole de Monsieur le Curé a visiblement comblé ses attentes :
« Les visites qu’il déplore ont selon lui deux ressorts : la recherche d’argent ou la dégradation gratuite. Il “veille aussi à ce qu’il n’y ait pas de mauvaise interprétation de ces faits. Il ne s’agit pas de jeter l’anathème sur qui que ce soit. Il est trop facile de voir des extrémistes partout…”. »
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Mais, au fait, si des lieux de culte d’autres religions – une synagogue, une mosquée – étaient ainsi systématiquement vandalisés, profanés, incendiés, M. le maire et M. le commissaire resteraient-ils tranquillement dans leur bureau, et le journaliste de Sud-Ouest se contenterait-il de recueillir l’interview d’un rabbin ou d’un imam expliquant que ces actes ne sauraient être le fait d’extrémistes ?
Dominique Monthus – Boulevard Voltaire