Connaissez-vous le fort des Têtes ? Non, ce n’est ni le gagnant du concours des plus gros cerveaux, ni le sobriquet du major de promotion de la rue d’Ulm. C’est le nom d’un important ouvrage défensif situé au-dessus de Briançon. A l’époque de sa construction, entre 1722 et 1734, la ville est un point essentiel du dispositif de défense français, en particulier depuis le traité d’Utrecht en 1713. Edifié sur un plateau la surplombant, le fort a pour mission de protéger ladite ville. Dans ce but, il est doté de nombreuses pièces d’artillerie et d’un millier d’hommes. Les ingénieurs militaires Tardif et Nègre, sous l’égide du marquis d’Asfeld, directeur général des fortifications, voient grand : avec vingt-quatre bâtiments, c’est l’un des ouvrages les plus imposants de la région, rassemblant les techniques les plus pointues de l’époque en matière de défense : lignes brisées, demi-lunes, feux de revers, étagement des lignes de front…
Le fort conserve sa mission jusqu’en 1915, quand il est désarmé et ne reçoit plus de rôle stratégique, tout en demeurant propriété de l’armée qui l’utilise comme casernement. Classé Monument historique en 1989, il est ajouté en 2008 à la liste du Patrimoine mondial, au titre des fortifications de Vauban, en tant que composante des fortifications de Briançon. En 2009, après trois cents ans de présence, l’armée française quitte les lieux. Les problèmes commencent. Si, jusqu’alors, des partenariats Culture-Défense permettaient de sauvegarder les lieux, sans compter l’entretien courant assuré par les troupes, le nouveau propriétaire, la commune, n’a absolument pas les moyens pour le réhabiliter. Que va devenir ce vaste terrain (17 000 m2) et ce grand ensemble bâti ? Depuis le départ des soldats, les bâtiments sont inoccupés et se détériorent rapidement, le rude climat montagnard n’aidant pas. Casse-tête typique pour les mairies : il faut redoubler d’ingéniosité pour trouver une nouvelle destination à ce patrimoine bien encombrant, avant qu’il ne soit trop tard.
Briançon possède un avantage : la région est touristique, été comme hiver. Un projet de reprise touristique vient donc d’être proposé, avec un partenariat public-privé. Les bâtiments seront transformés en deux hôtels haut de gamme ; en outre, ont été prévus des logements, des commerces, des bureaux… et la réfection de la route d’accès. A priori, 80 % des structures existantes devraient être conservées. Bien sûr, certains peuvent déplorer une utilisation très « commerciale » du lieu, mais a-t-on vraiment le choix ? Au moins, on est sûr que le fort ne sera pas détruit.
Coût total du projet : 70 millions d’euros. Dès qu’il s’agit de monument historique, les coûts grimpent. Les causes ? La taille souvent gigantesque des projets : plusieurs milliers de mètres carrés habitables pour le fort des Têtes. Mais aussi les recherches historiques préalables, les matériaux utilisés, les compétences spécialisées requises, sans oublier les difficultés d’accès.
Un coût valant vraiment le coup !
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