La religion, le rapport avec Dieu, la prière même, sont très présents dans les albums d’Hergé, en particulier dans les premiers. Et tout ce que nous savons de lui nous rappelle qu’il a été baigné dans le catholicisme, à travers le scoutisme puis au sein de la rédaction du XXe siècle, et sous l’influence de son directeur de conscience et ami, l’abbé Norbert Wallez.
Le tintinophile Bob Garcia est aussi un adepte de Jules Verne et de Sherlock Holmes. Il vient de publier un essai sur les rapports d’Hergé avec le catholicisme. Garcia a écrit une dizaine de livres sur ces trois univers, assez convergents au fond, celui d’Hergé, de Conan Doyle et de Jules Verne, et il poursuit l’étude de ses auteurs de prédilection avec Tintin, le diable et le Bon Dieu, une étude qui passe en revue l’œuvre hergéenne, spécialement les albums de Tintin, pour nous signaler toutes les références à Dieu, à la foi, au catholicisme.
La couverture du livre nous présente, de façon très « ligne claire », un Hergé travaillant à sa table à dessin, avec un ange et un diablotin à têtes de Tintin qui lui tournent autour. Il est vrai que, dans plusieurs albums de Tintin, la confrontation du bien et du mal est illustrée de cette façon. Milou comme Haddock sont souvent confrontés à cette vision (l’ange et le diablotin ayant alors des têtes de Haddock ou de Milou) et ils choisissent le plus souvent le devoir, la voie du courage, de la sagesse, au lieu de celle de la facilité ou du plaisir, au grand désespoir du diablotin et au grand bonheur de l’ange. Bernanos disait que « le romancier a tout à perdre en écartant de son œuvre le diable et Dieu : ce sont des personnages indispensables ». Visiblement, Hergé pensait de même.
Ces épisodes fugitifs font partie de ceux qui frappent le plus un jeune lecteur de Tintin, et qui sont susceptibles de le frapper pour la vie. Ces bandes dessinées paraissaient en prépublication dans la presse catholique pour enfant : Le Petit XXe, Cœurs Vaillants, etc., et cette personnification du bien et du mal avait une forte valeur pédagogique.
A y regarder de très près, comme l’a fait Bob Garcia, la religion catholique est vraiment au centre de l’œuvre hergéenne. Mais, contrairement à ce qu’ont parfois tenté de nous faire croire quelques épurateurs et dénonciateurs professionnels, Hergé n’avait pas une approche sectaire. Il s’intéressait aux autres religions, à d’autres formes de spiritualité. Celle des Incas, dans Le Temple du soleil, l’hindouisme dans Tintin au Tibet, d’autres encore. Peut-être est-il moins enclin à donner une bonne image de l’islam, comme on le voit dans Les Cigares du pharaon ou Tintin au pays de l’or noir. Mais tout cela ne va pas très loin. Et dans Coke en stock, le capitaine Haddock respecte le souhait des musulmans africains de poursuivre leur pèlerinage à La Mecque. Un procès en islamophobie, après la tentative de procès en antisémitisme qui lui avait été faite dans les années d’après-guerre, serait parfaitement ridicule.
La permanence des valeurs chrétiennes
Dernier point intéressant du travail de Bob Garcia : alors qu’il est courant de lire, sous la plume des spécialistes de l’œuvre d’Hergé, que ce dernier se serait éloigné du catholicisme à la fin de sa vie sous l’influence de théories paranormales, Garcia s’inscrit en faux et, exemples pertinents à l’appui, il nous confirme la permanence des valeurs chrétiennes d’Hergé, « du premier au dernier album ».
Le père Gall, grand spécialiste des Peaux-Rouges et fin connaisseur de l’œuvre hergéenne a, de son côté, résumé d’une formule ce que les chrétiens peuvent penser de cette œuvre : « Les Tintin rafraîchissent l’âme. »
- Tintin, le diable et le Bon Dieu, par Bob Garcia, Desclée de Brouwer, 2018, 244 pages, 17,90 euros.