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Qui n’a pas déjà fredonné cet air célèbre « Frère Jacques, frère Jacques, dormez-vous.. » ? Cette chanson populaire, qui a traversé les décennies, chantée par des générations de parents et d’enfants, a en réalité été composée par l’un des plus grands compositeurs français. Impossible d’imaginer que pouvait se cacher derrière ces quelques notes toutes simples, celui qui a révolutionné l’opéra français au XVIIIe siècle. Son nom ? Jean-Philippe Rameau ! Nous fêtions le 25 septembre dernier, les 333 ans de sa naissance. L’occasion de revenir sur cet immense compositeur dont la carrière n’a pourtant décollé qu’à la fin de sa vie.
Une découverte inédite
C’est Sylvie Bouissou, musicologue et grande spécialiste de Jean-Philippe Rameau, qui a eu la joie de faire cette découverte inédite. Elle l’affirme, avec preuves à l’appui, Rameau est bien l’auteur de ce canon ! Au cours de ses recherches pour l’écriture d’une biographie du compositeur, elle découvre un manuscrit conservé à la Bnf comportant 86 canons dont Frère Jacques. Dans le manuscrit, Jacques Joseph Marie Decroix, avocat lillois, indique que Rameau est bien l’auteur de cette chanson. Une autre preuve vient confirmer cette première découverte. Le violoniste Louis-Joseph Francoeur dans son Diapason général de tous les instruments à vent rédigé en 1772, y a inséré des feuillets manuscrits où il est question de 4 canons de Rameau donc Frère Jacques. Plus de doute désormais !
Si l’air demeure toujours le même depuis plus de 300 ans, les paroles ont quelques peu changé depuis l’époque de Rameau. Ce n’est pas « dormez-vous » qui était chanté mais « levez-vous ». Voici le paroles originales :
« Frère Jacques, Frère Jacques,
Levez-vous ?! Levez-vous ?!
Sonnez les matines, Sonnez les matines,
Bing, Bong, Bong?! »
Grand théoricien, dont les traités d’harmonie font encore encore figure de référence, esprit novateur, orchestrateur de génie, Rameau a révolutionné la musique de son temps. Son art se déploie principalement dans des œuvres lyriques, en particulier l’opéra-ballet, et la musique pour clavecin.
Rameau et la musique sacrée
Fils d’organiste dijonnais, Rameau fait ses études au collège jésuite des Godrons. À 18 ans, il se rend en Italie pour parfaire son éducation musicale. Il est ensuite nommé organiste à Avignon, puis à Clermont-Ferrand et compose ses premières cantates. En 1706, il monte à Paris où il est organiste chez les Jésuites. Étonnamment, il n’a laissé aucune composition pour orgue alors qu’il a pratiqué cet instrument pendant la plus grande partie de sa vie musicale.
Son œuvre religieuse est, curieusement, très restreinte. Seules quatre motets sont parvenus jusqu’à nous dont le célèbre In Convertendo, aux chœurs puissants et d’une extrême finesse.
Un claveciniste hors-pair
C’est également lors de ses débuts à Paris qu’il commence à publier ses premières œuvres pour clavecin. Il en écrira trois livres contenant de vraies pépites : Le rappel des oiseaux, tambourins, la poule, les cyclopes… Des morceaux incroyables qui démontrent toute la modernité du compositeur.
Mais la carrière lyrique de Rameau débute véritablement vers 1733 à l’âge de 50 ans. C’est à cette période qu’il créé ses opéras, si célèbres aujourd’hui : Hippolyte et Aricie, Les Indes galantes, Castor et Pollux, Dardanus… Les Indes galantes, probablement l’œuvre la plus connue, symbolisent l’époque insouciante, raffinée, vouée aux plaisirs et à la galanterie de Louis XV et de sa cour. L’œuvre est créée à l’Académie royale de musique le 23 août 1735 et connaît un succès croissant. En 1745, il s’illustre à nouveau avec La Princesse de Navarre et devient le musicien officiel de la Cour. Son génie est enfin reconnu !
Il écrit également en 1745, le merveilleux ballet-bouffon Platée à l’occasion du mariage du Dauphin, fils de Louis XV, et de l’infante Maria Teresa d’Espagne. L’histoire raconte les aventures de Platée, nymphe repoussante qui naïvement, croit obtenir les faveurs de Jupiter, maître de l’Olympe. L’infante, réputée disgracieuse, serait-elle moquée par Rameau au travers de cette œuvre ?
Aujourd’hui mondialement connus et reconnus, les opéras de Rameau connaissent un succès fou. Un compositeur de son époque avait déjà pressenti la supériorité de Rameau sur ses contemporains. André Campra, alors inspecteur de l’Académie, affirma lors de la création d’Hippolyte et Aricie, en 1733 : « Il y a assez de musique dans cet opéra pour en faire dix ; cet homme nous éclipsera tous ».