« Cinq multinationales néerlandaises font preuve d’un sens politique hors du commun », nous apprenait le mois dernier notre confrère Les Echos. Magnifique ! Enfin les multinationales se préoccupent d’autre chose que de leur compte d’exploitation. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Ces cinq multinationales géantes, parmi lesquelles le groupe pétrolier Shell, les groupes Philips et Unilever (cosmétiques et produits agroalimentaires), ont créé un pacte pour lutter contre le populisme, et en particulier contre le PVV hollandais de Geert Wilders, qui pourrait bien gagner les élections néerlandaises, ou du moins arriver en tête des différentes listes.
Le pacte d’Unilever et consorts se veut au-dessus de la politique, et pas spécialement « rouge » (socialiste) ou « vert » (écologiste).
Avant guerre, en France, on reprochait, aux « 200 familles », au Comité de Forges et à ce genre de structure patronale, de s’immiscer dans la vie politique. Les historiens n’ont pas de mots assez durs pour fustiger ce mélange des genres entre le politique et l’économique. Face au Parti communiste, financé directement par l’URSS, ces organisations d’intérêt économique apportaient un discret soutien aux Croix de feu du colonel de La Roque (la famille de Wendel, par exemple), et aux Républicains nationaux de Kérillis.
Mais c’est sans vergogne aucune, à visage découvert et toute honte bue, que se constituent des pactes capitalistes interplanétaires pour combattre le suffrage universel, dans l’indifférence parfaite de ces mêmes vigilants observateurs de la chose publique.
Multinationales politisées et syndicats patriotes
Autre information dont vous ne risquez guère d’entendre parler : le puissant syndicat de salariés américain UAW, qui compte 400 000 adhérents rien que dans le secteur de la construction automobile, se réjouit officiellement des premières mesures prises par l’équipe Trump. Traditionnellement, l’UAW est proche des milieux démocrates. Il compte une majorité de syndiqués noirs, et les deux tiers de ses adhérents s’étaient ralliés à la candidature Clinton après avoir flirté avec celle du gauchisant Bernie Sanders, Trump et les républicains ayant la réputation de n’être guère favorables à l’approche syndicaliste (c’est-à-dire le plus souvent conservatrice, au mauvais sens du terme et purement revendicatrice) des questions économiques.
Mais voici que la direction du syndicat découvre avec stupéfaction et plaisir que la politique de Trump, c’est d’abord la dénonciation de traités de libre-échange déséquilibrés, c’est la renaissance des activités industrielles, c’est le rapatriement de familles de métiers que l’on pensait irrémédiablement vouées à la délocalisation.
Du même coup, le syndicat, qui se découvre en phase avec le « trumpisme », voit affluer massivement de nouveaux adhérents, dans une filière que l’on pensait durablement plombée. Ces flots d’adhésions nouvelles, le secrétaire du syndicat les explique ainsi : « Trump dit ce que nous avons toujours dit (…), c’est la colère de la classe moyenne qui s’est manifestée [en votant pour lui, ndlr], celle qui avait toujours voté démocrate. »
Nos doctes spécialistes de la politique américaine nous présentaient ces bataillons de syndiqués comme devant constituer la future avant-garde du combat anti-Trump. Mais cette avant-garde, la voici qui s’avoue séduite et ralliée !
Francis Bergeron – Présent