Le numéro d’« Enquête exclusive » sur M6 devait être consacré, dimanche soir, à Béziers. « Deux ans après l’élection de Robert Ménard », précise Midi libre, comme si cela n’allait pas sans dire. Comme si cette ville parmi les plus pauvres de France avait, avant l’accession de Robert Ménard à la mairie, un quelconque intérêt aux yeux des grands médias.
Actualité calaisienne oblige, le reportage a été repoussé à la semaine prochaine. Mais le peu qui en a filtré laisse circonspect.
Durant six mois, le journaliste Olivier Azpitarte – collaborateur de Bernard de La Villardière – et son équipe « se sont penchés sur Béziers », rapporte encore Midi libre. Penchés si fort qu’ils ont peut-être chuté. Déontologiquement parlant.
Un journaliste d’investigation, c’est bien connu, doit résister à deux inavouables tentations, intimement liées : celle de savoir, avant de partir, ce qu’il va rapporter. Et s’il ne le trouve pas, d’insidieusement le susciter.
On peut comprendre Olivier Azpitarte. Les façades ravalées, la féria apaisée, les petites dames sur le marché se réjouissant d’une sécurité retrouvée – comme on le voit au début de la bande-annonce de l’émission -, cela va deux minutes, mais ce n’est pas très affriolant. Il ne s’appelle pas non plus Jean-Pierre Pernaut.
Et on peut se demander s’il n’a pas succombé à l’envie irrépressible de faire craquer une ou deux allumettes.
Pour quel motif, sinon celui de mettre un peu d’ambiance dans son reportage, aurait-il, un soir de conseil municipal, fait entrer le chef de file – récemment converti et bien connu pour son activisme virulent anti-Ménard – d’une association islamiste locale en le faisant passer pour un journaliste de M6 ?
Par quel extraordinaire, fantastique, improbable hasard était-il déjà sur les lieux LE soir où la police municipale, appelée pour un feu de palettes dans le quartier de La Devèze, a trouvé, en regagnant son véhicule, « un attroupement d’une trentaine de jeunes de la cité qui vociféraient » et ses pneus lacérés, petite scène opportune permettant d’affirmer – c’est aussi dans la bande-annonce – que « certaines décisions de Robert Ménard choquent et attisent les tensions intercommunautaires », que « dans les quartiers périphériques la colère monte » et que « Béziers [est] une ville sous haute surveillance » ? Pot de cocu… ou échange de bons procédés, la couverture pour pénétrer dans le conseil municipal contre l’occasion d’avoir le bon caméraman au bon moment ?
On le sait, Olivier Azpitarte n’en serait pas à son coup d’essai. Le Nouvel Obs et Télérama rapportaient, en 2013, les conditions pour le moins troubles d’un tournage du même journaliste pour « Zone interdite » : l’idée était de filmer trois Camerounais, partis du Sud libyen pour rejoindre la France clandestinement. Pour ce faire, « les journalistes [les] ont incités à [se] rendre clandestinement en France en [leur] promettant monts et merveilles […] ils ont même pris en charge une partie du billet. À [leur] arrivée à Paris, mi-juillet, ils [les] ont abandonnés. »
Le Nouvel Obs commentait : « Ce n’est plus alors du reportage, mais de la mise en scène à la limite de la télé-réalité. »
Rien n’interdit à Bernard de La Villardière de se rêver en Benjamin Castaldi. Mais encore faut-il prévenir les téléspectateurs.