« Ma vie a vraiment commencé quand j’ai rencontré mon mari. » Ce n’est pas Hillary Clinton qui parle, mais Nancy Reagan.
Hillary est en campagne présidentielle depuis l’âge de 18 ans et n’a toujours pas atteint son but à 68 ans. Cependant que Nancy a déjà dirigé le pays, par symbiose, entre 1980 et 1988, puis, depuis 25 ans, a construit la mémoire collective américaine en instrumentant un lieu de culte dédié au reaganisme, la fameuse Bibliothèque Reagan. Nancy prêtresse mythologue ? C’était avant la grande confusion qui ahurit la société contemporaine. Kali Yuga oblige…
Nancy était profondément une femme de pouvoir. « Sans Nancy, il n’y aurait pas eu de gouverneur Reagan, ni de président Reagan », affirme Michael K. Deaver, collaborateur de longue date du président. Surnommée « Dragon Lady » par l’entourage de son mari, elle agissait de la tête, du cœur et des tripes.
Elle pensait clair, modifiant par exemple l’opinion de son mari sur l’Union soviétique, initialement décriée par lui comme empire du mal, et l’incitant à ce pragmatisme qui mena à la chute du mur comme à la faillite financière de Moscou. Pensée transformatrice…
Elle avait une passion pour Ronald Reagan, et sa capacité unique à être un fédérateur, un résolveur de contradictions. Et surtout une confiance « astrologique » dans sa bonne étoile : Reagan finit par réussir, alors qu’il fut considéré comme un tourne-casaque, démocrate devenant républicain, et surtout comme un clown ignare… Il lui fallut s’y prendre à deux fois pour gagner les primaires républicaines, l’emportant dans la deuxième contre « la voix du pétrole » George Herbert Walker Bush, qui qualifiait son programme économique de « Voodoo Economics » (science économique vaudou)…
Enfin, elle avait la tripe griffue. Système immunitaire auxiliaire de Ronnie, elle dépistait les déloyaux ou les nuisibles à la cause gaullienne du « Let’s Make America Great Again » (rendons à l’Amérique sa grandeur, repris par Trump) et elle fit tomber moult têtes au sein de l’administration, dont celles de James Baker (homme lige du clan Bush) et Donald Regan (chef de cabinet de Ronald Reagan).
L’Amérique produit trois types de présidents : les prédicateurs en chef (Obama, Lincoln, Carter, Franklin Delano Roosevelt), les envahisseurs en chef (Theodore Roosevelt, la famille Bush) et les comédiens en chef qui s’avèrent de grands inspirateurs (George Washington, Ronald Reagan, Bill Clinton).
Reagan arriva à la fin d’un cycle de prédication – celui de Jimmy Carter – et procéda à un rassemblement « laïque » gauche-droite anti-establishment pour relancer l’euphorie et le bluff qui produisirent son succès économique et sa victoire « débonnaire » et coopérative sur l’Union soviétique. Son erreur fut de nommer vice-président George H. Walker Bush, ce qui remit en selle pour 30 ans ceux qui voient l’État américain et son armée comme la société de gardiennage des industries de l’énergie.
Marx disait que l’Histoire commence en tragédie pour se conclure en farce. Les campagnes des primaires républicaines et démocrates, dans leur asymptote, ont rejoint le pays de la farce, faisant du peuple un orphelin en quête d’auteur. Ça, les acteurs le savent…