Liens immortels

Il n’est pas aisé de dénicher des manuscrits qui expriment avec sincérité des sentiments personnels non déguisés ou enjolivés, simples et sincères, exprimés avec beauté et clarté. On reproche souvent aux auteurs d’un journal d’avoir malgré tout voulu embellir les choses pour leur lecteur futur. Nous sommes loin de cela avec cette pépite retrouvée par les éditions de Chiré (l’édition originale est parue en 1940). Ce texte minimaliste est un trésor de vertu et d’exemplarité. Alice Ollé-Laprune y relate une partie de son histoire dans ce début de XXe siècle, chamboulé bientôt irrémédiablement par la première guerre civile européenne (texte ici précédé d’un propos d’une connaissance, Madame Saint-René Taillandier, et par une introduction de Mgr Chaptal).

Ce journal est succinct car son auteur y a engrangé les souvenirs les plus importants à ses yeux, de ceux qui vous marquent dans la chair et le cœur. Il ne comporte donc aucune fioriture, passionnant de part en part car exprimant un amour passionné ; non pas passionnel mais profond, sincère, sanctifiant.

Alice a rencontré Joseph, s’est mariée avec cet homme hors du commun et l’a perdu sur le front dès le début de la guerre. Cet ouvrage nous donne une leçon magistrale sur ce qu’est ou ce que devrait être pour tout un chacun le mariage chrétien. Un proverbe allemand nous dit que « l’état de mariage est l’ordre le plus saint ». C’est tout le propos des considérations de cette femme pieuse qui montre deux âmes se hissant mutuellement dans la vertu du mariage, irradiant leur environnement de leur pureté et nous montrant par là que cet état peut rester pur et beau, non souillé par le vice et la médiocrité. Un témoignage à des années-lumière des devantures de librairie et des exemples contemporains.

Alice Ollé-Laprune nous rappelle opportunément que si Dieu a donné valeur de sacrement au mariage, c’est qu’il est fait pour nous amener, par le conjoint, sur le chemin de la perfection et de la sainteté. Son mari l’exprimant ainsi : « Je vous remercie pour cette liberté, cette pleine possession de moi-même que j’ai par vous ». Ou encore : « C’est par vous que je serai moi-même, j’entends par là tout ce que Dieu veut que je sois, quoi que ce soit. »

On ressent avec sincérité que la mort au front de l’être cher n’a pas rompu chez elle ce lien surnaturel établi par le mariage. Elle se demande d’ailleurs « pourquoi [nous avons] tant de mal, quand il s’agit de celui-là, à entrer, à demeurer dans le surnaturel ? Sans doute parce que le mariage nous est trop habituel, et mêlé aux monotonies, aux vulgarités de notre vie ordinaire. La difficulté est là ».

En tout cas, ces beaux propos nous montrent que cet obstacle n’est pas insurmontable pour vivre avec engagement et sincérité cette grande aventure qu’est le mariage. Deo gratias.

 

Sigisbert Clément – Présent

 

  • Alice Ollé-Laprune, Liens immortels, Editions de Chiré, 2018.

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