L’âge d’or du cinéma japonais (Vidéo)

Le cinématographe des Frères Lumière est présenté à Osaka en 1897. A la fin des années 1920, le cinéma japonais se modernise. Dans les années 1920 et 1930, davantage de films sont tournés au Japon qu’aux Etats-Unis, mais ceux-ci ne sont pas exportés. Le jidai-geki, genre cinématographique inspiré par la Tradition, consacré à l’histoire médiévale du Japon, connait un grand succès.

C’est également le début des premiers films de samouraïs. Selon Bardèche et Brasillach, “ les chevauchées fantastiques, les batailles au sabre, les rencontres sanglantes, les samourais redresseurs de torts et défenseurs des opprimés apportèrent au public japonais les mêmes joies que le western dispensait aux foules américaines et ils réveillaient en lui le même instinct profond du courage, de la loyauté, de l’honneur”. Malheureusement, il ne subsiste que très peu de films de cette époque, détruits notamment par les bombardements américains de la Seconde Guerre mondiale.

En 1932, les militaires prennent le pouvoir. Pendant la guerre, la plupart des grands réalisateurs des années 1920 et 1930 mettent leur talent au service de la Nation, par exemple Kenji Mizoguchi avec Les contes des chrysanthèmes tardifs (1939).

Après la défaite du Japon, c’est l’épuration cinématographique. Les autorités d’occupation américaines détruisent la moitié des films de guerre et dressent une liste des criminels de guerre du cinéma. Des sujets sont maintenant interdits : militarisme, nationalisme, idée de revanche, approbation de toute discrimination raciale ou religieuse, éloge de la loyauté de type féodal… On renonce alors à tourner des films de samouraïs.

Ainsi, pour continuer son métier, Akira Kurosawa tourne en 1946 Je ne regrette rien de ma jeunesse, film anti-militariste. Mais il dénonce la grève menée par le PCJ (Parti Communiste Japonais), laquelle constitue à ses yeux « le début du déclin de l’industrie du cinéma japonais ». Une grande question est alors posée : le cinéma japonais doit-il rompre avec la Tradition ?

C’est à cette époque charnière que le cinéma japonais acquiert une reconnaissance internationale. Le film de sabre renaît grâce à Akira Kurosawa. En 1951, Rashōmon reçoit le lion d’or à Venise puis l’Oscar du meilleur film étranger. Puis Les Sept Samouraïs (1954) sont récompensés par un lion d’argent à la Mostra de Venise.

Le Japon est occupé par les Américains jusqu’en 1952. A côté de films antimilitaristes ou humanistes sont alors tournés des films de guerre nostalgiques de l’exaltation militaire ou dénonçant les bombardements atomiques.

A cette époque sont mis en avant Akira Kurosawa, Kenji Mizoguchi, Keisuke Kinoshita, Yasujirō Ozu… Ozu tourne en 1953 Voyage à Tokyo, chef d’œuvre resté célèbre évoquant avec nostalgie les relations familiales traditionnelles. Mais de nouveaux réalisateurs plutôt de gauche critiquent Ozu, accusé de réaliser un “cinéma bourgeois”.

Comme partout à travers le monde, les années soixante sont pour le Japon une période de contestation de la Tradition. Plusieurs réalisateurs dénoncent le bushido dans les films de samouraïs. En 1962, Masaki Kobayashi réalise Hara-kiri et entame une critique des valeurs d’honneur et de respect. Le film reçoit le Prix du Jury au Festival de Cannes en 1963. Dans ses films, par exemple Contes cruels de la jeunesse (1960), Nagisa Oshima montre les milieux les plus défavorisés, dénonce les tabous moraux ou sexuels du Japon… L’érotisme se développe également. Ainsi Nagisa Oshima tourne L’empire des sens en 1976.

Heureusement, Akira Kurosawa revient sur le devant de la scène avec Kagemusha, l’ombre du guerrier (1980) et Ran (1985). Au cours des années 2000, le cinéma de guerre patriotique est de retour : Les hommes du Yamato (2005) de Junya Sato, Kamikaze assaut dans le pacifique (2007) de Taku Shinjo, 1945 End of war (2011) de Hideyuki Hirayama, Kamikaze, le dernier assaut (2013) de Takashi Yamazaki…

Aujourd’hui, Hirokazu Kore Eda représente la relève. Cet héritier d’Ozu offre des drames familiaux pour dénoncer la désagrégation de la famille traditionnelle japonaise et l’explosion des divorces : I Wish, nos vœux secrets (2011), Notre petite sœur (2015)…

Sous la direction de Pascal-Alex Vincent, un dictionnaire vient de paraître pour retracer le parcours de 101 réalisateurs qui, de 1935 à 1975, ont été à l’origine de l’âge d’or du cinéma japonais.

Ce dictionnaire contient également six grands classiques en DVD :

– Contes des chrysanthèmes tardifs (1939) de Kenji Mizoguchi.

– Je ne regrette rien de ma jeunesse (1946) d’Akira Kurosawa.

– Voyage à Tokyo (1953) de Yasujiro Ozu.

– Hara-kiri (1962) de Masaki Kobayashi.

– Contes cruels de la jeunesse de Nagisa Oshima.

– Une femme dans la tourmente de Mikio Naruse (inédit en vidéo).

Nous avons préféré Voyage à Tokyo, film mélodramatique réalisé par Yasujirō Ozu et sorti en 1953. Ozu décrit des retraités découvrant que leurs enfants sont trop absorbés par leur quotidien pour leur consacrer du temps. Il montre ainsi la désintégration des familles japonaises. L’égoïsme des frères et de la sœur aînée s’oppose à la gentillesse des grands-parents.

Le film cite à plusieurs reprises le proverbe « Soigne bien tes parents avant leur enterrement. Quand ils sont dans la tombe tout est inutile ». Mais ce film n’est pas seulement moralisateur. Il enseigne qu’il faut se résigner face aux réalités douloureuses de la vie. Les grands-parents se satisfont de ce qu’ils trouvent de meilleur en leurs enfants : « Ils ne sont pas toujours aussi gentils que l’on le voudrait mais on ne peut pas trop exiger d’eux, ils sont plus gentils que la moyenne ». Ozu évoque ainsi, par des cadrages magnifiques, le Japon de l’après-guerre qui vit brutalement l’irruption de la modernité.

Coffret l’Âge d’Or du Cinéma Japonais 1935-1975, 69,99 euros. Editions Carlotta.

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