Présent
Caroline parmentier
Des petits CE1 impatients de recevoir leur dictionnaire, bien peignés, bien habillés, tous fiers d’être reçus officiellement par le maire. Les petites filles ont mis des robes et certains petits garçons des cravates. On se croirait dans un récit du Petit Nicolas de Sempé et Goscinny. A part la chute qui va s’avérer tellement datée de notre belle époque !
Nous sommes à quelques jours de Noël. Ces petits garçons et ces petites filles ont à peu près sept ans de moyenne d’âge. L’instituteur qui est aussi le directeur de cette petite école primaire des Yvelines, très aimé de ses élèves, leur a demandé d’être spécialement beaux pour cette cérémonie solennelle. Ce qu’ils ont eu à cœur de faire.
Monsieur le maire va leur remettre « en mairie » leur premier dictionnaire. Celui qui doit en gros les accompagner pendant toute leur scolarité. Jus de fruit, viennoiseries, chocolat chaud, les premières taches apparaissent sur les tenues impeccables et sur quelques pages des Larousse junior tout neufs. L’ambiance est festive.
Petit discours d’usage, le maire se souvient que lui-même a usé du précieux dictionnaire (serait-il seulement maire aujourd’hui sans cet allié incontournable pour ses discours électoraux ?) Il conçoit qu’à l’heure d’internet cela puisse paraître étrange d’offrir un dictionnaire, mais c’est pour mieux attirer l’attention des enfants sur « ce qui reste un outil magique entre tous ». Le Larousse est « cet auxiliaire indispensable à la découverte du monde, d’une maniabilité sans faille » fait-il remarquer non sans émotion, tandis que plusieurs commencent à se pousser dans les rangs.
Le premier mot
De retour dans leur classe, encore rouges et surexcités, les enfants s’assoient à leurs petites tables, leur outil magique entre les mains. « Puisque nous avons un dictionnaire, nous allons apprendre à nous en servir », lance le maître avec entrain. Il y a un moment qu’il a son idée derrière la tête.
Quel mot selon vous, le premier de tous, le premier de leur vie, l’instituteur a-t-il fait chercher à ces enfants de sept ans ? Sur 20 000 noms communs et 1 000 noms propres ? 90 planches tout en couleurs sur la faune et la flore, les sciences et l’art ainsi qu’un Atlas ? Des enfants à qui l’on aurait pu faire chercher Alexandre Dumas, Gérard Philippe ou Montaigne du nom de leurs écoles par exemple ?
Mes enfants ouvrez votre dictionnaire et cherchez le mot… « racisme » ! Comme on vous le dit. Le mot racisme dont ces enfants pour la plupart ignoraient non seulement le sens mais la notion, l’idée même. Encore plus clair pour ces petits, le mot renvoie dans ce dictionnaire à la définition d’« anti-sémitisme »…
C’est rassurant de voir comme les choses évoluent dans l’enseignement public. De militants politiques, ils sont devenus maniaques mentaux. Totalement obsédés.
