Boulevard Voltaire
Par Stephan A. Brunel
Assainir les esprits : tel est le projet. Purger les déviants des scories du passé, des relents nauséabonds de la bête immonde.
Au secours Gide, Bernanos, Cocteau, Sartre, Camus : ils sont devenus fous !
Le tribunal de Bobigny a interdit un recueil de citations établi par Paul-Éric Blanrue et a censuré des livres de Léon Bloy et Édouard Drumont, Henry Ford et Douglas Ford au motif de leur antisémitisme. Des livres dans le domaine public, disponibles sur la Toile, et la LICRA d’obtenir d’Alain Soral 8.000 euros en dommages et intérêts pour les avoir édités ! Allons-y, chassons les sorcières et brûlons le site Gallica de la Bibliothèque nationale qui diffuse ces torchons ! Brûlons la Bible et le Coran pour les propos haineux qu’ils répandent ! Je donnerais cher pour avoir le droit de voir dans la tête du magistrat qui prend une telle décision. Folle, notre époque est devenue folle !
Le Figaro nous informe que « l’interdiction d’un livre est une décision très rare ». La LICRA s’est réjouie de la décision « qui a un côté rafraîchissant et assainissant », selon son secrétaire général Roger Benguigui. « Il s’agissait de pointer des initiatives prises par des gens d’extrême droite pour relégitimer des théories racialistes », a-t-il déclaré.
Assainissant ! Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage en psychiatrisant la pensée non conforme. Assainir les esprits : tel est le projet. Purger les déviants des scories du passé, des relents nauséabonds de la bête immonde prête à se relever. D’aucuns n’ont-ils pas déjà traité le courageux Finkielkraut, auteur de L’Identité malheureuse, « d’esprit malade ».
Vous avez, comme moi, la nausée de cette fureur hygiéniste et des oukases des puritains de la pensée ? On en a marre, on n’en peut plus, on vous le dit ! On réinvente les léproseries et les penseurs parias, ainsi que la mise à l’index et l’enfer des bibliothèques. N’est-ce pas une exclusion de la famille humaine qui en rappelle d’autres ? Expurgeons ! Expurgeons les livres de leurs propos racistes, antisémites, sexistes, homophobes, pédophiles. Jusqu’où ira cette rage dénonciatrice de nos Savonarole ?
Mais j’y pense soudain : plutôt que d’isoler les malades mentaux, avec le danger qu’ils reviennent nous salir et nous contaminer, ne faudrait-il pas une solution plus radicale et définitive ? Rien de mieux que le feu contre la vermine, pour rafraîchir et assainir. Comme on adore les célébrations et les commémorations dans la France postmoderne et que l’on se veut si ouvert à l’Autre, que tout est prétexte à la célébration du vivre ensemble, pourquoi pas plutôt un grand autodafé convivial, festif et métissé ? À quand de beaux autodafés de livres interdits et des bûchers d’écrivains impies ?
On en a marre, on n’en peut plus, on vous le dit !