Ce qu’ils ne veulent pas que je dise, titre du dernier Benalla qui est en même temps son premier. Faut bien un début à tout, vous me direz. Là, faut reconnaître que le titre a de quoi attirer le chaland en manque de sensations fortes. D’emblée, le personnage se pose comme le détenteur de secrets, forcément terribles. Benalla n’est pas Pierre Richard, qui ne sait rien mais dira tout.
Autrefois, lorsqu’« ils » ne voulaient pas que quelqu’un dise quelque chose, « ils » le faisaient jeter dans un cul-de-basse-fosse, lui intentaient un procès en sorcellerie, enfin quelque chose du genre qui passait l’envie de bavarder. Plus récemment, la technologie ouvrant de nouveaux possibles, comme on dit de nos jours, on pouvait l’envoyer se suicider nuitamment dans un marigot ou encore s’enrouler dès potron-jaquet au volant de sa bagnole autour d’un platane traversant inopportunément la départementale 102. Que sais-je encore. Rien, justement ! Aujourd’hui, la chose semble plus compliquée. Tout devient si compliqué.
Et tout le monde, en plus, qui veut sortir son livre ! C’est tellement facile. Et pourquoi ? La technologie, Monsieur, la technologie, là aussi. Si l’on écrivait encore avec une plume qu’il faut tremper dans l’encrier au clair de la lune, la bibliographie de Nabilla, par exemple, ne remplirait pas déjà une pleine étagère. Donc, rien d’étonnant qu’Alexandre Benalla n’apporte pas, lui aussi, sa petite contribution à notre belle littérature française contemporaine.
Au fait, « ils », c’est qui ? Probablement les ceusses en costume gris qui ont renvoyé aux encombrants le bel Alexandre par l’escalier de service, un beau matin de l’été 2018. Comme un domestique indélicat. Fallait pas te faire prendre, coco, alors dégage et assume ! Justement, il assume. C’est, en tout cas, ce qu’il dit dans l’interview exclusive qu’il vient de donner au Point avec les « bonnes pages » de l’œuvre, publiée, s’il vous plaît, chez Plon, l’éditeur du général de Gaulle… « Mais ça faisait un peu “J’accuse”, j’ai laissé tomber. » Oui, effectivement, le créneau est déjà pris depuis longtemps. Sait rester modeste, l’ancien « adjoint au chef de cabinet du président de la République. « J’assume », un truc très macronien, d’ailleurs. La formule qui vous pose son homme. « J’assume », c’est le coup de menton, le petit plus qui va bien et vous fait entrer vivant dans le panthéon des hommes-zé-femmes de décision. Si Emmanuel Macron ne l’a pas utilisée cent fois depuis qu’il est à l’Élysée…
Maintenant, la question est de savoir si Benalla détient des secrets qui l’auraient envoyé en d’autres temps à la Bastille ou apprendre à marcher avec des chaussures en ciment au fond du Vieux-Port. Si c’est pour apprendre que Brigitte Macron refusa d’ouvrir les appartements privés à la sécurité de l’Élysée, le jour où son présidentiel mari déclencha par erreur l’alarme, et ce, parce que ce dernier était sous la douche, je pense qu’on peut, éventuellement, s’économiser l’achat du bouquin et qu’on doit pouvoir trouver largement plus torride sur le marché.
Georges Michel – Boulevard Voltaire