Ce roman s’ouvre par le plus beau des incipit de la littérature française : « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar ».
Pourquoi est-ce le plus beau malgré son apparente banalité ? A cause de la musique des mots et c’est pourquoi Flaubert, dans son « gueuloir », déclamait ses phrases afin d’en saisir la musicalité et de toujours vouloir les améliorer.
Le résultat est une oeuvre d’un lyrisme baroque, un torrent impétueux qui nous épuise parfois mais qui est si fascinant.
Les descriptions sont d’une telle densité et d’une telle poésie qu’elles prennent presque le pas sur les personnages pourtant peu ordinaires. Il y a bien sûr Salammbô, dont la beauté divinisée par Flaubert éblouit le barbare Matho qui en devient fou et Hamilcar, le père de Salammbô, dont le retour de ses campagnes romaines va sauver Carthage de la révolte des mercenaires.
D’inoubliables scènes de marches et de combats parsèment le récit : »Les barbares crurent voir au haut d’un caroubier quelque chose d’extraordinaire : une tête de lion se dressait au-dessus des feuilles. Ils y coururent. C’était un lion attaché à une croix par les quatre membres comme un criminel. Cent pas plus loin ils en virent deux autres, puis tout à coup parut une longue file de croix supportant des lions. Les barbares cessant de rire tombèrent dans un long étonnement. Quel est ce peuple, pensaient-ils, qui s’amuse à crucifier les lions ».
La violence et la cruauté sont permanentes et l’on est parfois mal à l’aise, ce qui est d’ailleurs le but recherché.
Toutefois, la force de l’amour de Matho pour Salammbô apaise la dureté des batailles. Chaque apparition de Salammbô est environnée d’un romantisme qui cadence parfaitement le récit. On suit Matho dans sa quête amoureuse et le destin de ce couple improbable nous passionne.
Mais il faut s’attacher au style dont Flaubert est un orfèvre unique. Certaines pages font penser à un poème en prose. La lecture en est rendue plus exigeante mais il ne faut pas se décourager et avancer dans cet incroyable récit qu’on ne peut oublier.
Flaubert n’a pas inventé un style comme Proust ou Céline mais il a porté le style romanesque classique à une quasi perfection.
C’est pourquoi Salammbô est incontournable dans la littérature française.
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