En territoire occupé

Avec les événements qui se déroulent actuellement au Moyen-Orient : l’avancée de l’hydre Daesch sur les fronts syriens, irakiens ; les attentats en Egypte, Tunisie, Lybie ; bref, la désorganisation déjà bien entamée d’une bonne partie du bassin méditerranéen, tout cela nous ferait presque oublier le martyr d’un peuple, palestinien en général et chrétien en particulier. Pourtant, en creusant un peu la réflexion, sortant des considérations convenues sur le thème, on se rend rapidement compte que cette terre a plus ou moins toujours connu la guerre, les occupations et autres déplacements de population. En accéléré et de manière non exhaustive, les Romains à l’époque de Jésus, les Croisés un temps, les Ottomans un autre, enfin les Anglais, les Jordaniens puis, aujourd’hui, les Israéliens. Mais tout cela reste bien évasif. Des chiffres, des images « télé » bien vite effacées par un quotidien qui se suffit à lui-même. Quel espoir pour ces territoires ? Les jeunes qui le peuvent fuient à l’étranger pour une vie « meilleure », loin du mur, des contrôles, des humiliations. Tension due à l’occupation et à la colonisation israélienne des territoires palestiniens dits « autonomes » qui entraînent au quotidien injustice et violence.

Le journaliste Falk van Gaver a décidé de passer deux années dans le dernier village entièrement chrétien de Terre sainte, réunissant trois paroisses chrétiennes (latine, melkite et orthodoxe) pour 1 500 habitants. A deux pas de Ramallah, guère davantage de Jérusalem et du mur de séparation d’avec les colonies juives, ici vivent des chrétiens d’un Orient oublié, abandonné. Car il s’agit bien là de donner des noms, des visages à une géographie, à une culture bimillénaire. A travers de savoureuses chroniques au fil des saisons et des fêtes religieuses, cet écrivain-voyageur, avec l’aide de Kassam Maadi, jeune catholique du village, nous renseigne d’une manière vivante et prégnante sur le quotidien d’une petite communauté enracinée et vivante, qui espère contre tout espoir. Foi simple et tenace, souvent superstitieuse. Taybeh, l’antique Ephraïm ou Ophra, fut le dernier refuge du Christ avant son retour vers Jérusalem, Charles de Foucauld y aura séjourné. Maintes fois menacé, détruit, abandonné, le village renaît toujours de ses cendres grâce aux bonnes volontés. De nombreux curés missionnaires se sont attachés à ce rocher et, aussi incroyable que cela puisse paraître, le village revit aujourd’hui avec une nouvelle dynamique. Ce qui nous permet de conclure sur les propos d’Abouna Raed, prêtre catholique de la paroisse, pleins de bon sens : « La Terre sainte a besoin de ponts, pas de murs. »

Patrick Wagner – Présent

Falk van Gaver, Kassam Maaddi, Taybeh, dernier village chrétien de Palestine, Editions du Rocher, 190 pages, 17,90 euros.

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