On the Milky Road, le dernier Kusturica (Bande-annonce)

On the Milky Road, qui pourrait tout de même être traduit en français pour sa diffusion dans notre pays par Sur la Voie Lactée, est la dernière œuvre, très personnelle, du célèbre réalisateur serbo-bosniaque Emir Kusturica. Ce film est scindé en deux parties, de tonalités très différentes : une comédie, puis une tragédie. Cette alternance brutale de la joie et la douleur étonne, mais correspond assez bien à l’âme slave. C’est certes un peu un cliché d’écrire que Kusturica incarne la version serbe de l’âme slave, mais c’est assez vrai néanmoins. La comédie, premier temps du film, se déroule paradoxalement durant la Guerre de Bosnie (1992-1995), sur le front méridional, où s’affrontent Serbes – les héros du film – et Croates de Bosnie. Un sous-officier serbe, musicien avant la guerre, prénommé Kosta, est affecté au ravitaillement en lait – d’où le titre – de l’unité serbe à laquelle il appartient. Tous les jours, il part rejoindre sur son âne une ferme située légèrement à l’arrière du front, dans une ancienne gare austro-hongroise ; il y est reçu chaque jour par la vieille fermière et sa fille.
 
Kosta a été amoureux de la fille de la fermière, la belle Milena, à la fin des années 1980. Mais il ne l’aime plus, tandis qu’elle compte absolument se faire épouser par lui, de force ou quasiment au besoin. Kosta lui a promis le mariage pour l’après-guerre, une guerre qui semble encore interminable aux protagonistes à l’été 1995. Un jour, il rencontre une Italienne, ou plus exactement serbo-italienne, échouée à la ferme suite à des aventures surprenantes. Elle est plus ou moins fiancée au fils de la fermière, le frère de Milena. Le ravitailleur et l’Italienne se plaisent spontanément. Brusquement survient la fin de la guerre et les mariages, qui ne vont pas dans le sens souhaité par l’Italienne et l’élu de son cœur Kosta.
 

On the Milky Road, une réussite bien construite et rythmée

 
C’est alors que le film change radicalement de ton. Des soldats de l’OTAN envahissent le village serbe lors de la noce et massacrent tout le monde, ou presque. Le spectateur ne voit que les corps carbonisés quelques heures plus tard, mais en sortant de l’ambiance de comédie, le choc est rude.
 
L’Italienne et son ravitailleur, échappé au massacre suite à l’attaque providentielle d’un serpent provoquant son absence – il y a certainement dans l’œuvre un arrière-fond de contes populaires serbo-bosniaques qui nous échappe -, fuient ensemble. Ils sont traqués par les sbires de l’OTAN, qui se conduisent partout en criminels abominables, tuant hommes et bêtes. Le mobile officiel de leur action ne serait la traque d’un supposé criminel de guerre serbe, mais le motif réel résiderait dans la passion folle d’un colonel britannique dérangé et possessif pour l’Italienne.
 
La charge contre l’OTAN est certes peu fine. Il en est résulté un flot de critiques officielles massivement défavorables en France. Mais un son de cloche radicalement différent en notre époque de pensée unique n’est pas mauvais, à notre avis. Monica Bellucci, interprétant l’Italienne, a fait de très gros efforts pour s’exprimer en serbo-croate. L’histoire d’amour tragique nous a semblé au final émouvante. Même de façon brève, le film évoque positivement le Christianisme orthodoxe, au cœur de l’âme serbe. On the Milky Road est bien construit, rythmé, et est donc selon nous, dans son genre particulier, une réussite.

 

 

Lu sur Réinformation TV
 

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