RMC: Roselyne Bachelot remplace Brigitte Lahaie!

C’est l’été. Il fait beau. Et vous avez l’idée folle d’ouvrir votre ordinateur. Vous naviguez sur les réseaux sociaux. Et puis vous tombez sur un titre. Vous riez. «Encore bien joué, le Gorafi!». Mais ce n’est pas le Gorafi. Ni El Manchar ou Nordpresse.be, ses équivalents algérien et belge. «L’information» n’est pas parodique. Elle est vérifiée. Elle l’est d’autant plus que le site de BFM, qui la diffuse, fait partie du même groupe de médias que celui concerné par l’info. Vous relisez le titre: «RMC: Roselyne Bachelot remplace Brigitte Lahaie». Vous n’avez alors plus que le choix qu’entre le rire et les pleurs. Finalement, vous en pleurez de rire.

Adolescent dans les années quatre-vingts, on est d’une génération qui a bien connu Brigitte Lahaie. Sous un profil particulier, il faut bien le reconnaître. Et qui l’a plutôt bien appréciée, d’ailleurs ; il faut savoir le reconnaître aussi. Et puis, on a fait aussi un peu de politique, avant d’en faire des chroniques. Ce qui implique qu’on a pu croiser Roselyne Bachelot. Qu’on l’a trouvée rapidement plutôt sympathique. Avec qui on a pu d’ailleurs se retrouver, comme lorsqu’elle faisait partie de l’équipe qui prit la direction du RPR en juillet 1997, alors que Philippe Séguin prenait la suite d’Alain Juppé. A cette époque, si un Marty Mac Fly, ou autre créature prétendant venir du futur, nous avait mis cette dépêche sous le nez – «RMC: Roselyne Bachelot remplace Brigitte Lahaie», on aurait sans doute appelé une ambulance. Et Mac Fly aurait été hospitalisé d’office, dans un service psychiatrique. Injustice!

On se moque. Et on se montre injuste. Coupable d’un peu de mauvaise foi aussi. Entretemps, Brigitte Lahaie avait bien été engagée sur «Monte Carlo», comme l’appellent encore certains anciens. Elle animait en effet une émission «Lahaie, l’amour et vous». Elle y accueillait les auditeurs et conversait avec eux à propos de leurs soucis intimes. Avec bienveillance, elle y apportait même du bon sens, et d’excellents conseils. Elle se montrait sous un autre jour. L’an dernier, Brigitte Lahaie était même interviewée par Pascal Bories dans le mensuel Causeur consacré à «la terreur féministe». L’animatrice n’y allait pas par quatre chemins: «Najat Vallaud-Belkacem me fait penser à un pittbull». Des propos très peu relevés, mais qui ferait passer l’ancienne actrice X pour une réac. Lisez l’entretien. On croirait quasiment lire du Zemmour. Elle n’a guère de tendresse pour les féministes d’aujourd’hui, d’Osez le féminisme aux Chiennes de garde. Tiens, on nous informe dans l’oreillette que Roselyne Bachelot est membre fondatrice de ces dernières. Et qu’elle est même à l’origine de la suppression du titre «mademoiselle» dans les formulaires administratifs, décidée par le gouvernement de son ami François Fillon. Ruse de l’Histoire. La «petite fille de la Ve République», fille de résistants proches du Général et ancienne ministre de Sarkozy qui veut éradiquer «Mademoiseille», succède à l’actrice de films pornos devenue «réactionnaire» selon les critères de notre époque. Derrière le titre hilarant, c’est un mouvement plus profond qui est à l’œuvre.

Mais évidemment, il nous délivre un autre message. Sur la puissance médiatique qui a détrôné la puissance politique. Il faut le reconnaître à Bachelot: elle sait y faire dans les médias. Elle est ce qu’on appelle «une bonne cliente». Après son divorce politique avec Nicolas Sarkozy, elle a décidé qu’elle aurait davantage d’influence en participant à des émissions que dans un gouvernement. Des esprits chagrins rappelleront que son influence n’avait pas été nulle au moment de la grippe H1N1, mais globalement, Bachelot a raison: à la tête d’une émission très écoutée, on a aujourd’hui davantage d’influence qu’un ministre de la République. Voilà pourquoi elle a sans doute sablé le champagne en récupérant l’après-midi de RMC, case qui connaissait un succès énorme avec Brigitte Lahaie. Voilà pourquoi le titre «RMC: Roselyne Bachelot remplace Brigitte Lahaie», ne ressemble à une dépêche du Gorafi qu’en apparence, seulement. Le plus triste, en effet, c’est que c’est complètement logique.

Source

Related Articles