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Peintre, inventeur, ingénieur, scientifique, humaniste, philosophe, il est pour beaucoup un esprit universel, qui fascine encore cinq cents ans plus tard. Au passage du quinzième siècle au seizième, il illustre, et parfois incarne, la Renaissance, avec ses avancées dans le domaine artistique mais aussi dans les sciences et, avant tout, dans l’approche scientifique.
Leonardo di ser Piero, dit Leonardo da Vinci (Léonard de Vinci pour les francophones), naît le 15 avril 1452 à Vinci, petite ville de Toscane proche de Florence, des amours illégitimes d’un notaire, ser Piero, et d’une paysanne. Après une éducation scolaire diversifiée, il commence sa vie d’adulte comme peintre dans un atelier florentin de grande renommée, celui de Verrochio. A 26 ans, Léonard quitte son maître et a déjà acquis une belle réputation d’artiste peintre. Adepte de l’art nouveau du clair-obscur, il perfectionne sa technique du sfumato (embrumé) qui adoucit les contrastes et améliore le réalisme des paysages ou des portraits.
En 1481, il s’installe à Milan au service du duc Ludovic Sforza. Ses activités sont alors multiples. Il est peintre (La Cène est réalisée à cette époque) mais aussi sculpteur, ordonnateur des spectacles et ingénieur. Il travaille sur différents projets techniques, du métier à tisser à l’amélioration des horloges et s’intéresse aux mathématiques. On le retrouve également, en tant qu’ingénieur, dans une étude sur l’irrigation des cultures par les fleuves et les canaux. Urbaniste avant l’heure, il réfléchit sur une cité idéale.
Après l’invasion de la Toscane par les Français, avec qui il collabore provisoirement, puis le retour de Ludovic Sforza, il fuit à Venise.
C’est d’abord comme ingénieur qu’il entre au service du pouvoir vénitien, pour mettre au point une défense de la ville contre les envahisseurs potentiels, censément turcs. C’est là qu’il conçoit un scaphandre à casque pour évoluer sous les eaux, mais qui ne sera jamais testé.
Dans les années 1500, il est de retour à Florence et participe à des travaux d’hydraulique. Mais la peinture est toujours au centre de son œuvre et c’est en 1503 qu’il entame le Portrait de Monna Lisa, qui deviendra La Joconde, un tableau qui ne le quittera jamais. Au même moment, il se lance dans la réalisation d’une gigantesque fresque murale, La bataille d’Anghiari, au Palazzo Vecchio, en face de celle commandée à Michel-Ange. L’œuvre restera inachevée, peut-être à cause d’un procédé de séchage un peu trop innovant, qui a dégradé la peinture. La fresque sera recouverte par une autre et se trouve peut-être encore aujourd’hui derrière un mur, actuellement recouvert par une autre fresque, de Giorgio Vasari.
A cette époque, Léonard est féru de sciences. Il étudie les mathématiques, l’anatomie animale et humaine, ainsi que le vol des oiseaux. Il continuera dans cette voie après un séjour à Milan, dans une région de nouveau envahie par les Français et passée sous le gouvernement de Charles d’Amboise. Entre 1508 et 1510, il réalise plusieurs études qui seront réunies dans un document unique, le Codex Leicester. Cet ouvrage de 72 pages donne une solution à la présence de fossiles de coquillages à haute altitude en montagne (le sol, selon Léonard, se serait soulevé), étudie le mouvement de l’eau des rivières et l’érosion qui en résulte et s’intéresse à la lumière émise par la Lune, qui serait due à la réflexion de la lumière solaire par un océan recouvrant notre satellite.
Dans toutes ces études, Léonard de Vinci suit une méthode rationnelle, rigoureuse, fondée sur l’observation. Infatigable et éclectique, il dessine, comme en témoignent les documents parvenus jusqu’à nous, à peu près tout ce qu’il rencontre, humains, animaux, plantes, mécanismes… Il a le rare privilège d’avoir accès à des cadavres humains, dont il étudie minutieusement l’anatomie interne. En géométrie, il explore des formes nouvelles. Son dessin du rhombicuboctaèdre est devenu célèbre.
Léonard vit ses dernières années italiennes à Rome, au service des Médicis, qui dirigent quasiment le pays et protègent l’artiste depuis longtemps. Mais la concurrence de Raphaël et de Michel-Ange, étoiles montantes de la peinture et de la sculpture, est rude…
En 1515, la bataille de Marignan donne le pays milanais à François 1er, qui convie Léonard en France. L’année suivante, l’artiste s’installe au Clos-Lucé, dans un manoir situé à quelques centaines de mètres du château d’Amboise. Il suscite l’admiration du roi, qui lui achète La Joconde, et le laisse libre de « faire ce qu’il veut ». Mais Léonard est malade et meurt en 1519.
Les dizaines de milliers de documents, notes manuscrites, études, dessins, sont assez rapidement disséminés et ne seront récupérés qu’en partie au fil des siècles.
L’homme de Vitruve. Comme le montre ce célèbre dessin de son étude du corps humain, Léonard de Vinci ne posait pas de frontière entre l’art et la science. Il reprend ici les observations anthropométriques de l’architecte romain Vitruve, dont le travail sur les proportions du corps humain inspirera les artistes de la Renaissance. (Licence Commons)
L’homme de Vitruve. Comme le montre ce célèbre dessin de son étude du corps humain, Léonard de Vinci ne posait pas de frontière entre l’art et la science. Il reprend ici les observations anthropométriques de l’architecte romain Vitruve, dont le travail sur les proportions du corps humain inspirera les artistes de la Renaissance. (Licence Commons)
L’héritage scientifique de Léonard de Vinci
Son hélicoptère ne pouvait pas voler, son scaphandre aurait noyé son utilisateur, son parachute était trop lourd, son char d’assaut restait mal pratique… Que n’a-t-on dit sur les inventions impossibles de Léonard de Vinci.
Le jugement est nécessairement injuste s’il ne prend pas en compte le contexte. A l’orée du seizième siècle, la seule force motrice connue était la puissance animale ou humaine et la science est balbutiante. Les inventions de Léonard, qu’elles soient véritablement nouvelles (comme les engins volants) ou inspirées de travaux antérieurs (comme nombre de ses machines hydrauliques), reposent néanmoins sur des concepts novateurs pour l’époque.
Son hélicoptère, ou vis aérienne, ne peut pas voler, même avec un moteur, car il manque une hélice contra-rotative pour éviter de faire tourner aussi la cabine et son passager. Mais cette ébauche exploite une idée neuve : l’air est épais et on peut y prendre appui. Son parachute est trop lourd car la technologie de l’époque n’avait pas encore inventé… les nouveaux matériaux. Le 26 avril 2008, Olivier Vietti-Teppa a sauté depuis 650 mètres d’altitude au-dessus de l’aéroport de Payern (Suisse, canton de Vaud) avec un engin calqué sur celui de Léonard, mais constitué d’une toile moderne.
Ces inventions sont pour la plupart restées sans lendemain, sauf dans le domaine de l’hydraulique, sans doute parce qu’elles étaient très en avance sur leur époque mais aussi parce qu’elles sont restées longtemps inconnues. De son vivant, Léonard de Vinci a explicitement émis un doute sur l’usage qu’en feraient ses contemporains. Même s’il a étudié de nombreux engins militaires, l’artiste considérait la guerre comme une « folie sauvage ». A l’approche de sa mort, il a tout de même légué l’ensemble de ses manuscrits à Francesco Melzi, qui fut son élève et était resté son ami fidèle. Mais ces dizaines de milliers de documents ont disparu complètement durant quatre siècles.
Sur le plan scientifique, en revanche, l’apport de Léonard de Vinci a probablement marqué la génération suivante. C’est bien à cette époque que l’on assiste à la naissance d’une véritable méthode scientifique, allant de l’observation à la théorie en passant par l’hypothèse et l’expérience. Galilée, qui naît 45 ans après la mort de Léonard, en sera un des grands fleurons suivants.
Quelques inventions
Le marteau mécanique, le scaphandre, le bateau à aubes, les barrières de protection mobiles, la pompe hydraulique, la machine à tailler les vis en bois, les ailettes pour les obus de mortier, le canon à vapeur, le sous-marin, le char d’assaut, l’automobile, les ski flottants, la calculatrice, le roulement à billes, l’hélicoptère, le deltaplane, le métier à tisser mécanique, la machine à carder, la machine à polir les miroirs, le parachute, la bicyclette (contestée)…
Où voir Léonard ?
Le château du Clos-Lucé (Amboise, Indre-et Loire), restauré, se visite. C’est là que Léonard de Vinci vécut ses dernières années. Dans une grande halle se trouvent réunies plusieurs maquettes de différents engins imaginés par Léonard.
Le Musée des Sciences et des Techniques Léonard de Vinci, à Milan, expose une grande quantité de dessins et de maquettes.
Documents importants parvenus jusqu’à nous
Codex Atlanticus
Recueil de dessins et de notes, datés de 1478 à 1518, rassemblés en 1.119 feuillets de grand format (celui d’un atlas, d’où le nom). Il rassemble les principales études techniques de Léonard de Vinci. On y trouve de nombreux engins hydrauliques pour le transport ou le pompage de l’eau. Y figure également un pont démontable, destiné aux militaires tout comme le fameux char d’assaut. Une simple esquisse évoque l’idée étonnante de flotteurs pour marcher sur l’eau. C’est également dans ce document que se trouvent réunis les dessins de machines volantes, planeurs et vis aérienne, et les études du vol des oiseaux. Le Codex Atlanticus se trouve actuellement à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan.
Codex Leicester
Ensemble de 18 feuilles pliées en deux et écrites en recto-verso, et donc constitué de 72 pages. Rédigé en écriture spéculaire (de gauche à droite, que l’on peut lire à l’aide d’un miroir), il récapitule des observations scientifiques dans plusieurs domaines. Léonard y explique la présence de coquillages fossiles en montagne par le soulèvement du fond de la mer dans le passé. L’eau recouvrant la surface lunaire expliquerait la réflexion de la lumière solaire. S’y trouvent également des observations sur les mouvements des fleuves et des rivières et sur l’érosion qu’ils engendrent. Bill Gates l’a acheté en 1994 pour 30,8 millions de dollars. Chaque année, il est exposé dans un pays différent.
Codex de Madrid I et II
Découvert en 1966, il contient des dessins de multiples mécanismes, précisément décrits.
Quelques œuvres parmi les plus connues
La Vierge aux rochers (entre 1483 et 1484), première version, musée du Louvre, Paris.
Le Musicien (1490), portrait de Franchini Gaffurio, Bibliothèque Ambrosienne, Milan.
La Belle Ferronière (entre 1490 et 1496), musée du Louvre, Paris.
La Cène (entre 1495 et 1498), fresque, Eglise Santa Maria delle Grazie, Milan.
La Joconde ou Mona Lisa (entre 1503 et 1504 puis entre 1510 et 1515), musée du Louvre, Paris.
La bataille d’Anghiari (1504-1506), peinture murale inachevée, salle du Grand conseil du Palazzo Vecchio, Florence, détruite au XVIe siècle, reprise ensuite, notamment par Pierre-Paul Rubens.
La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne (1508-1510), musée du Louvre, Paris.
Bacchus (1510-1515), musée du Louvre, Paris.