Jean Huss, précurseur de Luther d’Aimé Richardt

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Propos recueillis par Catherine Robinson 

 

Dans la lignée de ses ouvrages éclairant la réforme protestante (La Contre-RéformeLutherCalvin…) et pour lesquels l’auteur, Aimé Richardt, nous avait accordé plusieurs interviews, paraît aujourd’hui sous sa plume un Jean Huss aux éditions François-Xavier de Guibert. – C.R.

— Qui était Jean Huss ?

— Originaire de Bohême, Jean Huss (1370-1415) est le plus illustre représentant du courant réformateur, né au milieu du XIVe siècle, de la crise morale de l’Eglise, crise matérialisée par le grand schisme d’Occident (1378-1417) pendant lequel deux, puis trois papes ont été simultanément à la tête de l’Eglise catholique.

Ordonné prêtre en 1400, il fut nommé, en 1401, doyen de la faculté des arts de l’université de Prague puis, en 1402, recteur et prédicateur de la chapelle de Bethléem. A partir de 1405, il adopte une position réformiste, prêchant avec force contre les crimes des prêtres, il dénonce leur luxure, leur cupidité, leur orgueil… Pour lui, l’Evangile est la seule règle infaillible et suffisante de la foi et chacun a le droit de l’étudier librement, indépendamment de l’autorité de l’Eglise. C’est la porte ouverte au « libre examen ».

Excommunié en juillet 1412, il quitte Prague et erre de lieu en lieu. En octobre 1414, il est convoqué devant le concile de Constance (1414-1418). Arrêté en novembre, il est jugé puis condamné pour hérésie. Il est brûlé vif le 6 juillet 1415 et ses cendres jetées dans le Rhin.

— Quelles sont les causes de la condamnation de Jean Huss ?

— Elles sont multiples. Pour Jean Huss, l’Eglise est seulement composée des prédestinés au salut, des élus. La véritable Eglise n’est donc que l’assemblée des prédestinés à la vie éternelle. Il rejette l’identité de l’Eglise romaine.

Il ne supporte pas de voir que l’Ecriture « était mise sous le boisseau par ceux-là mêmes qui avaient charge de l’enseigner au peuple et de la faire briller dans tout son éclat ». Pour lui, la parole de Dieu est la loi qui doit conduire l’homme au bonheur. La loi de Jésus-Christ, écrit-il, est essentielle et suffisante pour le gouvernement de l’Eglise militante, il ne faut rien en retrancher ni rien y ajouter.

Jean Huss affirme que les traditions humaines sont une invention du diable pour détourner les fidèles de la pratique des bonnes œuvres. Il entend par traditions humaines « certaines cérémonies superstitieuses qui n’étaient autorisées que par la coutume, ce grand nombre d’ordres monastiques qui faisaient dans la religion une bigarrure indigne de sa première simplicité, l’opulence et l’autorité excessive des papes et des prélats, en un mot tous les abus qui ne venaient que de l’avarice, de l’ambition et de la cupidité… »

— Multiples raisons, disiez-vous. Il y en a d’autres ?

— Oui ! Son opinion sur le culte des saints et l’adoration des images, par exemple. Il les mettait au nombre des plus pernicieuses traditions de l’Eglise romaine, s’élevant contre ceux qui ont établi, par leurs décrets, le culte et l’adoration des statues de bois, de pierre ou d’argent. Sans condamner en entier le culte des saints, il en blâme les abus. Autres raisons : il admet tous les sacrements de l’Eglise romaine mais affirme « qu’un prêtre indigne les administre indignement ». S’il reconnaît la transsubstantiation, il approuve pour tous la communion sous les deux espèces. Il blâme et condamne la vente des indulgences. « La grâce, écrit-il, n’est plus qu’une vile marchandise. D’ailleurs, si le pape peut, au moyen des indulgences, absoudre de la peine et du péché, il a le pouvoir de détruire le purgatoire… »

Il faut bien le reconnaître, à la lecture de ses prises de position : Jean Huss était hérétique et c’est à ce titre, surtout, que le concile a sévi contre lui. Refusant de se soumettre et de reconnaître ses erreurs, il a voulu les défendre et ne se déclarer convaincu que par l’Ecriture sainte. Le concile de Constance ne pouvait, en aucun cas, laisser impunie l’hérésie capitale qui élevait la Bible au-dessus du pape et du concile, proclamait la liberté d’examen et revendiquait le droit qu’a tout homme de contrôler sa religion par la Parole de Dieu.

— Après sa mort, que subsista-t-il du mouvement hussite et quelle fut son influence sur les théologiens du siècle suivant ?

— Le supplice de Jean Huss entraîna un soulèvement général de ses partisans en Bohême. Cinq croisades successives (entre 1420 et 1431) furent envoyées par le pape Martin V puis la diète de Nuremberg « pour la destruction des hérétiques hussites ». Elles furent battues les unes après les autres par les rebelles hussites. En 1431, le concile de Bâle invita les hussites à prendre part à des discussions devant mener à une paix. Le 30 novembre 1433, à Prague, « les Tchèques reçurent l’autorisation de communier sous les deux espèces partout où cela était déjà pratiqué ». Les guerres hussites se terminèrent en 1436.

Luther a écrit, dans la préface à une édition des lettres de Jean Huss : « Si quelqu’un lit ces lettres ou les entend lire, si en même temps il possède une intelligence solide… je ne doute pas qu’il reconnaîtra que Jean Huss possédait les précieux et intelligents dons de l’Esprit Saint. Observez, en vérité, comment il se tient serré à la doctrine du Christ dans ses écrits et dans ses paroles… Si un tel homme doit être considéré comme hérétique, alors personne ne peut être tenu pour un véritable chrétien ! »

• Aimé Richardt, Jean Huss précurseur de Luther, éditions François-Xavier de Guibert. Préface de Mgr Guillaume. 19 euros.

 

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