Les équipes d’urgentistes des villes organisatrices de l’Euro 2016 de football ont été formées par des médecins militaires.(…)
«Il faut bien comprendre que nous n’avons pas attendu la remise du rapport pour réagir, explique Pierre Carli, médecin-chef du Samu de Paris. Dès le début de l’année, nous avons pu discuter avec les membres de la commission pour avoir les grandes lignes et travailler dans ce sens. Il fallait être prêt pour l’Euro. Le rapport, maintenant disponible, nous conforte dans notre vision des choses et il a un poids non négligeable quand nous demandons des financements.»(…)Les équipes du Samu sont ainsi régulièrement invitées à travailler les différents gestes grâce à des exercices, encadrés par des médecins militaires. «Ils nous expliquent la pose d’un garrot tourniquet militaire, la stabilisation d’une hémorragie externe ou encore les techniques de coniotomie (permettant de libérer rapidement les voies aériennes, NDLR)», raconte Jean-Pierre Orsini. Ces nouveaux garrots sont plus stables et serrent davantage que ceux habituellement utilisés pour les civils. Les entraînements sont ensuite pérennisés avec des «stress tests» chronométrés où chaque procédure est abordée spécifiquement. Le tout sous l’œil d’une caméra permettant à chacun d’analyser sa propre performance.
Ces entraînements, d’abord cantonnés à la région parisienne, ont été étendus en février aux huit villes accueillant le championnat d’Europe de football. Mais ce n’est qu’un objectif intermédiaire: «À terme, nous voulons que toutes les équipes du Samu en France soient capables de faire de la médecine de guerre», explique Pierre Carli.(…)Suite à ce constat, les entraînements interservices se multiplient. «Nos secouristes doivent être capables de stabiliser et d’extraire efficacement les victimes sous la protection des policiers ou militaires. Car ça ne suffit pas de porter un casque en Kevlar et un gilet pare-balles, il faut connaître des procédures très précises pour minimiser les risques», estime le médecin-chef du Samu.(…)
Dès leur arrivée sur un site d’un attentat avec un grand nombre de blessés, les équipes du Samu doivent réaliser une tâche aussi complexe qu’indispensable: le tri des victimes. Il est possible grâce à la présence de médecins sur le terrain, capables de décider au cas par casqui sont les personnes dont le pronostic vital n’est pas mis en jeu, les urgences relatives, et celles devant intégrer un hôpital le plus rapidement possible. Les actes médicaux de «damage control», appris lors des entraînements, se concentrent alors sur la deuxième catégorie, celle nécessitant un acte médico-chirurgical immédiat sous peine de mourir.
«Régulièrement,des simulations de tris sont effectuées, la rapidité d’action est primordiale», explique Jean-Pierre Orsini,médecin-urgentiste à Paris. Cette approche par le tri balaye d’un revers de main l’opposition souvent évoquée entre la philosophie des secours française du «stay and play» (littéralement rester et jouer) et celle américaine du «scoop and run» (charger et courir). La première prévoit de stabiliser le blessé sur place tandis que la seconde propose d’emmener la personne le plus vite possible à l’hôpital et la stabiliser là-bas. «Cette vision des choses est complètement dépassée depuis longtemps, estime Pierre Carli, médecin chef du Samu de Paris. Aujourd’hui, tout le monde sait qu’il faut un mélange des deux approches pour être efficace.»