Guillaume de Thieulloy explique et précise son combat pour la famille.
Tout d’abord, permettez-moi d’évoquer votre comparution pour le Salon beige en appel le 16 juin dernier : qu’en est-il ? Articulez-vous votre défense avec les dernières études de la justice administrative, qui a estimé que le gouvernement était critiquable dans son attitude vis-à-vis de la Manif pour tous – ce que vous vous étiez contenté de constater vous-même ?
C’est effectivement ce que nous plaidons, mais la partie adverse considère qu’il ne s’agit pas d’une question de positionnement politique, mais de diffamation à l’égard d’un particulier. Nous avons diffusé la photo d’un gardien du Luxembourg qui évacue manu militari un participant de la Manif pour tous, en mettant cela en parallèle avec le fait que les jardins, en 1942, étaient interdits aux juifs. Ce que nous reproche ce gardien, c’est de l’avoir accusé d’avoir agi comme la police de Vichy (aux dépens, d’ailleurs, de toute vérité historique, la police de Vichy n’étant pas opérationnelle à Paris…). Ce que Jérôme Triomphe, notre avocat, a avancé est que l’on pouvait flouter le visage du gardien, ce que nous avons fait par la suite. D’ailleurs la jurisprudence veut qu’une personne en uniforme ne puisse exciper du droit à la protection individuelle sur l’image.
Nous soutenons donc, quant à nous, qu’il ne s’agit pas d’une diffamation envers un particulier, mais bien de la critique d’une répression arbitraire. Résultat fin septembre…
— Vous avez assisté fidèlement aux divers congrès mondiaux pour la famille : à Washington, à Moscou, à Rome et tout récemment à Tbilissi. Qui organise ces congrès ? Quelle en est la fréquence ?
— Il y a plusieurs types d’organisation, les congrès ouverts au public et d’autres plus confidentiels. J’ai participé à des congrès organisés par l’International organization for marriage et par le World congress of family, deux organisations américaines aux profils très différents : IOM pour les leaders pro-famille, pro-mariage, avec des discussions sur les stratégies, plutôt confidentielles ; WCF organisant plus souvent des congrès publics, comme à Tbilissi, avec quelques 1 000 participants, et des conférences durant trois jours, mais on peut ne pas assister à tout. WCF organise un congrès chaque année, à chaque fois dans un pays différent. Il existe également, à côté des congrès mondiaux, des congrès régionaux. Pour IOM, la cadence est moins soutenue, environ tous les 18 mois.
— Quel est le but de ces congrès ? Quelle en est la stratégie ? Y fait-on participer des personnalités inattendues pour en étendre l’influence ?
— L’idée est plutôt de bâtir des coalitions, de faire en sorte tout d’abord que des gens de pays différents partagent une vision commune, et aussi que, dans un pays, les musulmans, les catholiques, les juifs, partagent également une vision commune. A Rome, par exemple, l’axe était nettement celui des religions pour la défense du mariage (s’y trouvaient même des prédicateurs télévangélistes) en présence du cardinal Muller.
— Le Vatican participe-t-il à l’organisation ?
— A Rome, le Vatican était co-organisateur, mais dans la plupart des cas, non. En revanche, s’y trouvent très souvent des intervenants religieux. Par exemple, à Tbilissi, le patriarche de Géorgie est intervenu, ce que font souvent des prêtres, des pasteurs… La coloration religieuse reste nette, même si elle n’est pas forcément catholique. Mais, de façon générale, les catholiques sont réputés avoir la doctrine la plus claire et la plus nette sur les sujets pro-vie et pro-famille. En revanche, ce ne sont pas eux qui lèvent le plus de fonds, ce sont les mormons qui sont connus pour donner le plus d’argent. Sur la proposition 8 en Californie (référendum de novembre 2008 proposant l’amendement de la Constitution de l’Etat de Californie pour interdire le mariage entre personnes de même sexe, à la suite d’une initiative populaire en ce sens), le partage des tâches avait été le suivant : les mormons payaient la campagne, les catholiques formaient la base militante.
— Qu’avez-vous retenu de plus frappant lors de ce dernier congrès en Géorgie ? Ne représentiez-vous pas en quelque sorte notre pays à ce congrès mondial ?
— Oui, c’est moi qui ai joué le rôle de « go-beetween », de lien, entre Mgr Rey et le congrès, notamment. Ce qui me frappe à chaque fois, et là en particulier, c’est le côté extrêmement remotivant, car même si l’on ne s’en rend pas compte, il s’agit d’un combat où on prend pas mal de coups, et le fait de constater d’une part que l’on n’est pas seul, d’autre part que des gens ont souffert beaucoup plus que nous (je songe à des dissidents soviétiques), tout cela est marquant. Ces gens se sont opposés au totalitarisme communiste, et d’autres au totalitarisme islamiste, ils déclarent s’opposer aussi au totalitarisme LGBT ; c’est le même mouvement, et cela reste assez impressionnant.
— Quelle est la prochaine étape ? Savez-vous dans quel pays se tiendra le prochain congrès mondial pour la famille ?
— C’est en cours de décision pour l’année prochaine.
— Y a-t-il des chances pour que cela soit en France ?
— Il n’y en a jamais eu en France. On y pense, mais cela paraît un peu tôt, et l’usage veut que les pays soient testés d’abord par un congrès régional. Il s’agit d’organisations lourdes, et compliquées à monter.
— Pourquoi le combat pour la famille vous paraît-il particulièrement crucial de nos jours ?
— Je verrais plutôt la question en sens inverse : pourquoi les adversaires attaquent-ils prioritairement la famille ? C’est qu’ils ont besoin d’esclaves parfaitement déracinés, et la dernière racine qui résiste est la famille. C’est là le dernier élément d’identité qui résiste. Les nations sont quasiment détruites, une culture uniforme s’étend partout dans le monde : vous trouvez les mêmes publicités à Pékin, à New York et à Paris, vous y verrez le même genre de films, y écouterez le même genre de musiques… Il faut bien évidemment continuer à se battre sur le plan culturel, mais les adversaires ont une énorme avance sur nous et, pour eux, la page est tournée.
Les racines familiales, elles, résistent encore. On y trouve des éléments qu’on ne choisit pas de se donner, c’est le fait d’être « fils de » ou « fille de », d’être né à tel endroit. Cela fait partie de nos limites les plus élémentaires et de notre identité la plus profonde. C’est pour cela que nos adversaires s’attaquent à la famille et même, ultimement, à l’identité sexuelle. Ils veulent que notre volonté souveraine puisse décider d’être un homme ou une femme, d’avoir telle ou telle sexualité, de répudier ses parents ou de répudier ses enfants, indifféremment.
— Quels sont les éléments en faveur de la victoire ?
— L’élément fondamental en faveur de la victoire est que tout totalitarisme est violemment contraire à la nature humaine. Ce n’est pas nous qui gagnerons, c’est la réalité qui reprendra ses droits. Mais, pour que la réalité reprenne ses droits, il faut que se trouvent, s’opposant au totalitarisme, des gens qui disent « Ça n’est pas vrai, vous mentez, vous manipulez ! », comme l’a fait Soljenitsyne, qui reste un modèle, en son temps. Notre mission est de dire, comme un certain nombre de personnes l’ont fait avant nous face au communisme ou au national-socialisme : « Ce que vous dites n’est pas conforme à la nature humaine », l’être humain n’est pas libre de se choisir homme ou femme, on naît ainsi, de tel père et de telle mère, on naît français, on a une identité. Bien sûr, cela ne veut pas dire que la volonté n’a aucune place, on peut aussi choisir de cesser d’être français ou de le devenir.
— Vous menez donc le combat en pensant qu’il sera gagné ?
— Oui, parfaitement !
Propos recueillis par Anne Le Pape – Présent