Par Alain Sanders
Dien Bien Phu, c’est d’abord des hommes. Dans tous les sens du mot. Et disant cela, je pense particulièrement à ceux qui, alors que tout était manifestement perdu, se portèrent volontaires pour sauter dans l’enfer effectuant, du même coup et pour nombre d’entre eux, leur premier saut…
Comment oublier le sacrifice des paras d’Eliane II, ce méplat surnommé par les bérets verts de la Légion « Les Champs-Elysées » en raison de la « bousculade » dans cette zone ? C’est là que, le 4 avril 1954, les Viets seront balayés, laissant 1 200 morts sur le terrain.
Comment ne pas penser aux légionnaires du 2e BEP qui montaient au combat en chantant sous la mitraille : « Nous sommes les hommes des troupes d’assaut, soldats de la vieille Légion » ? Comment ne pas penser aux paras sud-vietnamiens du 5e Bawouan qui chantaient, eux, La Marseillaise ( pas encore ravalée, par un ministre ex-indépendantiste guyanais, au rang de chansonnette de karaoké…).
Il faut relire Erwan Bergot qui fut de ces p’tits gars de Dien Bien Phu : « Dans les boyaux de l’antenne chirurgicale, les blessés s’entassent, supportent les pires conditions matérielles et morales, parmi la boue, les rats, les mouches, les asticots et cette odeur de mort qui leur colle à la peau. Alors, à peine guéris, parfois à peine pansés, les paras s’enfuient, ils retournent au combat : Crever pour crever, autant crever avec les copains. Les borgnes, les manchots, les unijambistes, repassent la rivière, ils se réinstallent dans les trous, ils approvisionnent les armes, garnissent les chargeurs, servent les mortiers. »
Ils sont là : 3 600, fantassins, paras, légionnaires, de toutes origines. Face à 36 000 Viets. Sur Eliane I, 80 bérets rouges aux ordres du lieutenant Pétion. Sur Eliane II, deux compagnies du 1er Bataillon de paras coloniaux. Parachutés la nuit précédente. A Eliane I, il n’y aura pas un seul survivant. Pas un seul.
Comment ne pas penser aux aumôniers ; le père Trinquaud (13e DBLE), le père Guidon (présent au PC Isabelle), le pasteur Tissot, les pères Heinrich et Chevalier (1er BEP), le père Sthilé, le père Jeandel (16e BPC), le père Jego (1) ?
A Dien Bien Phu, les soldats du monde libre étaient français, vietnamiens, laotiens, nord-africains, africains. Les derniers ont sauté dans la nuit du 5 au 6 mai. La veille de l’assaut final.
Dans la nuit du 6 au 7 mai, Eliane II tombe. On entend encore : « Adieu, adieu, adieu ! » C’est Bréchignac et les survivants du 2/1 RCP, Botella et les survivants du 5e BPVN, Guiraud et les survivants des BEP.
Adieu ? Ce n’est qu’un au revoir, mes frères…
(1) Rapatrié à Marseille, il célébrera une messe à Notre-Dame de la Garde en terminant ainsi son sermon : « Et au nom de Dieu, vive la Coloniale ! »