« Je crois que pas un instant nous ne songeâmes, tant ce fut beau, à souhaiter la fin de ce gigantesque cauchemar. » L’Atlantide est le deuxième de la quarantaine de romans qu’écrivit Pierre Benoit. Paru chez Albin Michel en 1919, il est considéré comme le chef-d’œuvre de ses romans d’aventures exotiques, au même titre que Mademoiselle de la Ferté (1923) l’est pour ses textes plus spécifiquement littéraires. Le livre, paru tout d’abord sous forme de feuilleton dans la Revue de Paris en 1918, et couronné par le grand prix du roman de l’Académie française en 1919, connut un immense succès, un succès causé selon l’écrivain Louis Chaigne par le contexte de sa parution : « L’Atlantide est le livre que beaucoup attendaient pour sortir du cauchemar des terribles années vécues dans la boue et sous les obus et pour s’appuyer avec douceur sur des jours plus sereins. »
Le récit, développé sur le ton et le rythme d’une longue nouvelle, se situe dans l’Afrique du Nord de l’empire colonial français, et plus particulièrement dans les provinces proches du Sahara. Nous y trouvons nombre de descriptions de lieux géographiques, et de détails sur leurs peuplements et leurs coutumes.
Lors d’une expédition située six ans avant le récit, en 1898, le lieutenant André de Saint-Avit et le capitaine Jean-Marie François Morhange – et à ce moment, environ au tiers du texte, le récit passe brusquement d’un réalisme méticuleux, à un fantastique qui rappelle ceux de Maurice Leblanc ou de Jules Verne – se retrouvent en plein Hoggar, captifs dans l’ultime bastion de ce que fut l’Atlantide. C’est le domaine de la reine Antinéa, dernière descendante de Neptune et de Clito, sorte de mante religieuse qui se nourrit de l’amour et des étreintes des officiers et des aventuriers qui ont le malheur, ou le bonheur, de passer près de son royaume. Ces hommes, elle ne les tue pas, non, car lorsqu’elle se lasse de l’un d’entre eux, il meurt d’amour.
Morhange et Saint-Avit sont des figures, l’un pour l’esprit, l’autre pour le corps ou le côté charnel et animal de l’être, cet animal qu’il faut dompter et domestiquer si l’on ne veut pas qu’il entraîne l’esprit vers sa perte. Morhange, en catholique, résiste aux avances d’Antinéa, et n’y consentira que si cela constituait un sacrifice. Saint-Avit, malgré son éducation et ses principes, est assoiffé de la présence et du corps de la reine. Il le sait, mais ne peut rien faire contre. A la demande de la reine, Saint-Avit, ahuri de passion, tue Morhange. Horrifié par son crime, il parvient à s’échapper. Cependant, il ne parviendra jamais à s’échapper de l’attirance qu’il ressent pour Antinéa, et, six ans après la mort de Morhange, il s’apprête à repartir pour le Hoggar en entraînant le narrateur, pleinement au fait des merveilles et du malheur qui l’attendent, avec lui.
Plusieurs films ont été tirés du livre. Ceux du Belge Jacques Feyder (1921), et de l’Autrichien Georg Wilhelm Pabst (1932), sont les plus fidèles à l’esprit du texte.