Né le 7 décembre 1805 dans la maison familiale de la rue Porte-Chartraine à Blois, Jean-Eugène Robert se passionne très tôt pour la mécanique en voyant son père travailler dans son atelier d’horlogerie. Mais son père Prosper Robert rêve pour lui d’une autre destinée et l’oblige à suivre des études de lettres en internat au collège d’Orléans de 1816 à 1823. Jean-Eugène devient donc clerc de notaire chez maître Roger près de Blois, mais il s’intéresse plus à la mécanique qu’à son travail. Monsieur Roger réussit à convaincre Prosper de laisser son fils devenir horloger. En septembre 1825, il commence son apprentissage chez un cousin à Blois et peut satisfaire sa passion pour la mécanique et l’horlogerie. Il est enfin ouvrier horloger en 1828 et il commence à travailler cher Monsieur Noriet à Tours. Mais il tombe malade et son tour de France ne dure que six mois. Périple au cours duquel un mystérieux saltimbanque lui aurait sauvé la vie et appris l’art de l’escamotage.
Il revient à Blois et rencontre Cécile, fille de Jacques Houdin un horloger parisien. En juillet 1830, il l’épouse et s’installe comme commissaire-horloger chez son beau-père où il apprend aussi à gérer un commerce. Il décide alors de se faire appeler J.-E. Robert-Houdin, pour se démarquer des nombreux homonymes qui exercent le métier d’horloger. De 1830 à 1839, il se consacre essentiellement à l’horlogerie et dépose plusieurs brevets d’inventions comme le réveil-briquet (1837). Cela lui permet de gagner un peu d’argent qu’il réinvestit dans la fabrication d’automates et d’objets de divertissement (création de la pendule mystérieuse en 1836). Malgré quelques difficultés financières, son talent est enfin reconnu. Il trouve un mécène qui lui avance mille francs, une somme importante, pour créer l’automate « écrivain-dessinateur » qui a beaucoup de succès à l’exposition universelle de 1844. A la mort de sa femme en 1843, il se concentre complètement sur sa vocation d’illusionniste et travaille sur son projet de théâtre de magie. Il se remarie en 1844 avec Françoise Braconnier pour donner une mère à ses enfants en bas âge. Il débute alors une nouvelle carrière, celle de magicien…
En écrivant ses mémoires, J.-E. Robert-Houdin était conscient d’avoir eu un destin hors du commun. Il est donc difficile de savoir à quel point il a romancé le récit de sa vie. L’histoire de ses débuts de magicien est assez romanesque. Pendant son apprentissage d’horloger, il découvre la prestidigitation en prenant par erreur le« Dictionnaire Encyclopédique des Amusements et des Sciences » au lieu d’un traité d’horlogerie. Ce livre est une véritable révélation qui l’initie aux sciences physiques et aux illusions d’optique. Dans « Confidences et révélations d’un magicien », Jean-Eugène affirme qu’il rencontre Torrini, un escamoteur, qui lui aurait sauvé la vie et révélé sa vocation d’illusionniste. Pour certains de ses biographes, cet épisode est une invention. Mais Jean-Eugène a dû côtoyer des saltimbanques pendant son « tour de France » afin d’apprendre l’escamotage et l’art de la mise en scène.
Finalement, après tant d’années à divertir son entourage avec ses tours, il parvient à ouvrir son théâtre de magie à Paris et crée ses « Soirées Fantastiques ». Lors de la première représentation réservée à ses amis, le 25 juin 1845, il fait sortir de son « Carton fantastique » de nombreux objets trop grands pour y tenir, comme une cage à oiseau. Sa notoriété croit avec la présentation de la « Seconde vue », un exercice de divination et la« Suspension éthéréenne », une lévitation très spectaculaire qu’il fait avec son fils Émile. En novembre 1846, le succès est tel qu’il faut réserver des mois à l’avance et que le Roi Louis-Philippe invite Robert-Houdin chez lui pour une représentation exceptionnelle. La révolution de février 1848 l’oblige à s’expatrier à Londres, où il se produit devant la Reine Victoria. Après une tournée en Belgique, en mai 1849 il rouvre son théâtre parisien. Mais Jean-Eugène est fatigué et il aspire à travailler plus utilement pour la science. Au début de 1853, il fait sa dernière représentation dans son théâtre qu’il cède définitivement à son successeur Hamilton.
Pour clore sa carrière de magicien, Robert Houdin fait une tournée en Angleterre, en Belgique et en Allemagne jusqu’en 1855. Pourtant, ce ne sont pas ses dernières représentations, car le 28 octobre 1855 Napoléon III fait appel à lui, pour lutter contre les marabouts arabes qui poussent la population à la révolte en Algérie. Pour la première fois, J.-E. Robert-Houdin se fait passer pour un sorcier doué de pouvoirs surnaturels. Par des tours comme celui du « Fusillé vivant » et du « Coffre lourd-léger », il passe pour le plus puissant des sorciers. L’influence des marabouts diminua sans disparaître totalement. Baudelaire pensait qu’il aurait fallu s’y prendre autrement, puisqu’il déclara : « il appartenait à une société d’incrédules d’envoyer Robert-Houdin chez les arabes pour les détourner des miracles ».
Dans les années 1850, J.-E. Robert-Houdin est considéré comme un amuseur public malgré les brevets qu’il a déposés en horlogerie et en électricité. Le cabinet de curiosités scientifiques de son théâtre ne lui suffit plus. Lorsqu’il achète sa propriété du « Prieuré » à Saint-Gervais près de Blois, c’est pour être utile à la science et se consacrer à ses recherches. Très pragmatique, il y installe de nombreuses innovations pour se faciliter la vie. Il développe des systèmes automatiques pour s’éviter les tâches répétitives et invente la domotique. L’ensemble des horloges électriques du domaine sont branchées à un régulateur électrique et donc parfaitement synchronisées. Le portail d’entrée du parc est équipé d’une gâche électrique et s’ouvre dès que l’on appuie sur la sonnette. Il y installe aussi beaucoup de ses automates, un téléphérique et d’autres merveilles qui confèrent au lieu une ambiance de parc d’attraction.
Jean-Eugène était un autodidacte en sciences appliquées, mais il déposa des brevets dans de nombreux domaineset certaines de ses inventions comme le plastron électrique des escrimeurs, ou le compteur kilométrique, sont encore utilisées de nos jours. Dès 1851, il présente aux notables de Blois une expérience d’éclairage électrique avec une lampe à arc de Foucault. Lampe qu’il a contribué à améliorer grâce à son régulateur type. Pour illuminer le banquet de la communion de sa fille Églantine en 1863, il fabrique des lampes à incandescence à fil de bambou carbonisé. Mais ce procédé lui semble limité et coûteux et il ne poursuit pas cette expérience. Il faut attendre 1878 pour que Thomas Edison fabrique une ampoule à filament métallique.
Chercheur infatigable, J.-E. Robert-Houdin travaille jusqu’à la fin de sa vie. Alors qu’il est atteint d’une cataracte, qui menace de le rendre aveugle, il décide d’aider l’ophtalmologue qui le soigne. En étudiant cette maladie, il constate que les instruments d’observation de l’oeil sont limités. Grâce à ses connaissances en optique, il réussit à élaborer de nouveaux outils d’observations qui vont permettre des progrès significatifs en ophtalmologie. En 1866, il dépose les brevets du pupilloscope (qui montre les variations de la pupille à la lumière), du pupillomètre(qui permet de mesurer le diamètre de la pupille), et du rétinoscope (qui permet l’observation du réseau sanguin de la rétine). Ses travaux reçoivent la médaille d’or du congrès international d’ophtalmologie. En 1869, il est élu membre de la société des gens de lettres pour l’ensemble de ses livres, et voit s’entrouvrir les portes de l’Académie des Sciences. Mais, l’armée prussienne prend Blois et ses environs. Au froid, s’ajoutent les pillages et les privations. J.-E. Robert-Houdin épuisé tombe malade et meurt d’une pneumonie le 13 juin 1871.