“Je rappelle l’Histoire aussi parce que je suis devant vous ici, amis du CRIF, et que votre rendez-vous annuel, je le disais, est un moment fort où vous exprimez de manière vibrante votre attachement à notre pays et à la République. En même temps, le dîner du CRIF, c’est l’occasion – comme l’a dit le Président et ce n’est pas forcément agréable de l’entendre – de porter aussi un jugement sur la réalité du racisme et de l’antisémitisme dans notre pays et de le faire avec vérité et lucidité. C’est ce que vous avez, Monsieur le Président, encore mené à bien ce soir.
En 2013, noue pensions avoir vécu une accalmie et même un recul des actes et manifestations antisémites. C’était hélas une illusion. Pourquoi ? Parce que si le nombre des faits avait diminué de 30%, le niveau qui permettait cette comparaison était lui-même exceptionnellement élevé puisque c’était l’année 2012. Dois-je rappeler ce qui s’était produit durant l’année 2012 et notamment le 19 mars ? C’était une illusion parce que le nombre de dépôts de plainte, 423 pour être précis, ne tient pas compte de tout ce qui n’est pas déclaré, de ce qui n’est pas connu, de ce qui n’est pas avoué. Enfin, c’était une illusion, parce qu’au mois de janvier les violences ont doublé par rapport au mois de décembre 2013 et que les menaces antisémites ont même été multipliées par trois.
Au-delà des statistiques et des chiffres qui sont avancés, de quoi s’agit-il, qu’est-ce qui est en cause ? Ce sont des juifs qui sont agressés sur la voie publique parce qu’ils portent une kippa. Ce sont des enfants dans les écoles de la République qui sont insultés parce que juifs. Ce sont des synagogues qui sont souillées par des croix gammées, voilà ce qu’est la réalité de l’antisémitisme.
Cette flambée de haine ne surgit pas du néant. D’abord, n’accusons pas la crise. Elle a bon dos la crise ! Ce n’est pas une cohorte de chômeurs qui crient « mort aux juifs ! » Ce ne sont pas les « damnés de la terre » qui s’expriment avec les mots de la haine. Ce ne sont pas les plus pauvres dans la société qui seraient porteurs de ces idées malsaines. C’est un peu court de penser que c’est la crise ! Finalement ce serait commode : il suffirait d’en sortir –cela ce n’est pas facile !– et finalement tout irait bien…
Non, le mal est plus profond. Le mal n’est d’ailleurs pas que français, cessons de ne regarder que le tableau de notre propre pays. Le mal est européen, il est même mondial. Il y a des pays où il n’y a pas de chômage, où la croissance est élevée, où le pouvoir d’achat est parmi le plus haut du monde, et où l’on se méfie des étrangers, où l’on pense que l’autre est un danger, où l’on veut restreindre la liberté de circulation. Ne laissons pas croire donc qu’il s’agirait simplement d’une mauvaise période, d’un mauvais temps. Non, le climat comme vous l’avez dit, est plus lourd
Ce que l’on a entendu dans la manifestation du 26 janvier est exceptionnellement grave, avec des slogans hérités des années 30, des amalgames, des confusions… Des groupes, qui n’avaient rien à voir entre eux, se retrouvaient sur le même objectif, la même haine, celle du juif, cherchant un coupable. Il en faut toujours un pour exorciser les peurs, les malheurs, les rancœurs. Là encore, ce n’est pas nouveau. On a connu cela à d’autres époques, sauf que là les propagandistes ne se cachent plus, ils publient des livres, ils défilent dans la rue, ils donnent des spectacles et ils utilisent des moyens modernes, c’est-à-dire internet pour colporter des rumeurs qui deviennent des tumeurs.
Nous savons comment cette mécanique infernale se termine, toujours de la même façon, dans la violence et dans le drame.
C’est pourquoi, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, le gouvernement de la République française ne tolérera rien.
C’est ensemble – quand je dis « ensemble » c’est à travers toutes les sensibilités qui sont représentées ici, tous les républicains – que nous devons nous retrouver pour défendre les valeurs qui font la France. Je l’affirme ici : face à des périls – et l’antisémitisme, le racisme, en est un – il ne serait y avoir la moindre place pour la division, la polémique et la surenchère.
Si nous cédions à cette tentation d’utiliser ces dérives et ces comportements à des fins politiques, nous nous perdrions nous-mêmes. Il y a des causes heureusement dans la République – dont je suis le garant – qui nous permettent de nous rassembler sur l’essentiel. C’est d’ailleurs ce qui fait que nous sommes citoyens français et qu’au-delà des oppositions qui doivent exister, des clivages qui ont leur valeur et leur pertinence, la France est une quand il s’agit de combattre le racisme et l’antisémitisme.
Le gouvernement, et vous l’avez rappelé, Monsieur le Président, est d’une intransigeance absolue contre les actes antisémites parce que ce sont autant de coups portés à la France. Les lois existent. La tentation, c’est toujours de vouloir en inventer d’autres et de ne pas appliquer celles qui sont en vigueur. Elles doivent donc être mises en œuvre avec sévérité et fermeté par les services de sécurité publique comme par la justice.
Encore faut-il que les victimes elles-mêmes ne craignent pas de se faire connaitre et signalent tous les faits. A nous de les aider. La Garde des Sceaux a donné des instructions en ce sens et je pense qu’en matière d’insultes elle sait ce que signifie le racisme. Mais si la police fait son travail, si la justice condamne les coupables, faut-il encore que les jugements eux-mêmes, ceux qui sont rendus, soient exécutés. Parce que se soustraire à une condamnation est une malhonnêteté de plus et un encouragement à continuer. Certains sont allés très loin. Trop loin.
Que l’on soit bien clair : la liberté d’expression, la liberté de création, la liberté de manifestation sont des valeurs fondamentales de la République, mais elles ne peuvent offrir aux racistes et aux antisémites un permis de propager leurs thèses. La liberté de moquer n’est pas la liberté de haïr. Là aussi, le droit existe pour prévenir ces transgressions. Il a été appliqué par le ministre de l’Intérieur dans les limites posées par le juge, en l’occurrence le juge administratif.
Nous avons fait la démonstration que les lois n’empêchent pas d’agir mais peuvent permettre justement d’intervenir, y compris de façon préventive. La loi, toute la loi, rien que la loi, y compris pour interdire des groupuscules qui n’ont pas d’autre objet que la propagation d’idéologies incitant à la discrimination, à la violence et à la haine. C’est ce que nous avons fait, là encore, suite à un drame qui a coûté la vie à un jeune étudiant, Clément MERIC. Il mettait en cause des groupuscules dont on savait bien qu’ils pouvaient être, au moins au niveau des thèses propagées, à l’origine de ce genre de tragédie.
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, les nouvelles menaces d’internet. Outil merveilleux de diffusion et d’échange, mais comme le livre avant lui, le numérique peut aussi servir de déversoir à l’intolérance, à l’injure, à l’endoctrinement. Il y a eu des livres, hélas, qui ont eu aussi ce rôle dans l’Histoire. Ce n’est donc pas l’instrument qui est en cause, c’est la thèse qui est diffusée. En France et à l’étranger, des manipulateurs et des criminels enseignent ce que POLIAKOV appelait « le bréviaire de la haine ». Et nous voyons ceux qui écoutent, ceux qui adhèrent à ces thèses, à ces mensonges et qui s’en font les prosélytes.
J’ai donc demandé au gouvernement de me faire rapidement des propositions pour améliorer notre réactivité et éventuellement notre appareil répressif par rapport au développement de la cybercriminalité.
Je rappelle ce qui s’est produit par rapport à Twitter l’année dernière. Le gouvernement a négocié avec cette grande entreprise des engagements concrets : suppression des contenus illicites, gel des données d’enquêtes, déréférencement. Nous agirons de la même manière en France, en Europe et dans le monde face aux géants mondiaux du numérique pour aboutir à ce résultat.
Mais l’ambition de la République, ce n’est pas simplement d’utiliser la sanction. Elle doit faire en sorte que la prévention puisse être la plus efficace. Ce que nous avons comme ambition, c’est de pouvoir élever le niveau de conscience citoyenne par l’éducation. Tel est l’objet de la morale laïque qui est désormais enseignée dans nos écoles : transmettre à tous les élèves de France un socle de valeurs communes qui fondent notre identité.
C’est quoi notre identité ? Le respect de la personne, sa dignité, ses origines, sa religion, ses croyances ; le refus de toutes formes de discrimination. C’est cela la morale laïque : elle n’exclut personne, elle rassemble tout le monde et elle protège tous ceux qui ont, par leur histoire, par leur parcours, par leur origine, par leur couleur de peau, à craindre qu’on les mette en cause. L’école de la République doit rester ce lieu où, depuis des générations, les enfants apprennent à vivre au milieu des autres selon une règle commune, la même pour tous. Cet enseignement de la vie, cet enseignement de la République doit intervenir au plus tôt dans les programmes d’enseignement de notre pays.
Jean ZAY- dont jai annoncé qu’il rentrerait au Panthéon avec Geneviève ANTHONIOZ de GAULLE, Pierre BROSSOLETTE et Germaine TILLION l’année prochaine, Jean ZAY donc, ministre de l’Education, avait écrit une circulaire – déjà, la première, en 1936 – sur les signes religieux à l’école. Comme quoi, là aussi, on croit toujours avoir inventé, mais l’on vient toujours trop tard. Mais là, en l’occurrence, Jean ZAY, lui, il était venu à temps. Parce que déjà, il y avait ces menaces et il écrivait dans cette circulaire : « ceux qui voudraient troubler l’expérience éducative n’ont pas leur place dans les écoles, qui doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas. » Cela reste encore vrai aujourd’hui.
Nous avons la Charte de la laïcité comme expression contemporaine de cette exigence. Elle est désormais affichée et étudiée dans tous les lieux d’enseignement. Le ministre en a pris l’initiative. Nous devons également la mettre au programme de la formation permanente des enseignants. Toutes les initiatives doivent être soutenues dans ce sens : la mise en place de référents académiques « Mémoire et Citoyenneté », pour coordonner toutes les actions dans les écoles pour la mémoire des génocides, en particulier de la Shoah et de tous les crimes contre l’Humanité ; l’instauration de modules spécifiques de formation dans les écoles du professorat ; la priorité donnée, dès cette rentrée, pour fixer la lutte contre les discriminations comme objectif de la transmission.
Là aussi, l’Education nationale soutient toutes les initiatives et il y en a de nombreuses. Je ne vais pas les signaler toutes. Celle de l’Union des étudiants juifs et de SOS Racisme notamment a eu, à travers le programme CoExist, à lutter contre les préjugés. Je souligne aussi ce que font les Académies de Lyon et de Grenoble avec la LICRA, pour attribuer un prix, là aussi, le Prix Gilbert DRU, pour être exemplaire par rapport à cette mission de lutter contre le racisme et l’antisémitisme.
Je veux aussi saluer les efforts de toutes les grandes familles philosophiques et spirituelles dans notre pays, qui œuvrent au rapprochement entre les Français.
Vous avez, à l’instant, salué le Père Patrick DESBOIS. Il a découvert par son histoire familiale le drame des juifs ukrainiens. Il a œuvré pour que soit reconnue la « Shoah par balles ». Car, la Shoah avait commencé avant même les camps, et pas seulement en Ukraine. C’est très important de savoir à quel moment l’œuvre génocidaire a commencé et comment elle est arrivée jusqu’aux camps d’extermination. Aujourd’hui, le Père DESBOIS est le directeur du Service national pour les relations avec le Judaïsme à la Conférence des évêques. Je veux saluer le dialogue interreligieux, qui ne veut pas effacer les différences entre les cultes, mais combattre tous ceux qui les utilisent pour les opposer.
Le fanatisme n’est pas une religion. C’est un dévoiement. C’est le fanatisme et non l’islam qui a guidé le bras assassin de MERAH à Toulouse et à Montauban, lorsqu’il a abattu Jonathan, Gabriel, Arié, Myriam, Imad Ibn ZIATEN, Mohamed LEGOUAD et Abel CHENNOUF : quatre juifs, trois musulmans, sept Français. Autant d’atteintes aux institutions les plus symboliques de la République : l’école et l’armée.
La semaine dernière, le CRIF, à Toulouse, a rendu un hommage à Latifa Ibn ZIATEN, la mère d’Imad. Je veux aussi saluer son combat courageux, je le connais, et celui de tous les militants de l’amitié judéo-musulmane, avec le soutien des plus hautes autorités du culte musulman, représentées ici ce soir. Je veux les remercier pour leur engagement au service de la tolérance et de la paix.
Mesdames et Messieurs, l’année 2014 sera marquée par deux grandes commémorations : centenaire de la Première guerre mondiale et 70ème anniversaire de la Libération de notre pays. Je veux en faire des moments de rassemblement de nos concitoyens, des temps pour la mémoire, pour toutes les mémoires.
C’est pourquoi j’ai rendu hommage aux soldats musulmans à la Grande mosquée de Paris le 18 janvier dernier. Au Mont-Valérien, j’ai rendu hommage, c’était le 21 février dernier, au Groupe MANOUCHIAN et j’ai salué l’initiative qu’avait prise Robert BADINTER pour que les 1 010 fusillés aient leurs noms gravés dans le bronze d’une cloche au Mont-Valérien. Nommer les morts pour interpeller les vivants, c’est le sens des monuments. Yad Vashem à Jérusalem, que je suis allé visiter, le Mur des Noms, l’Allée des Justes à Paris et tant d’autres lieux…, pour que rien ne soit oublié, travesti, transformé, occulté et pour nous rappeler à chaque fois notre devoir.
Quelle est notre exigence ? Savoir. Tout savoir. D’où nous venons, quelles sont les épreuves que notre pays a traversées pour être libre aujourd’hui. Ne rien ignorer des drames d’hier pour mieux les prévenir désormais. Connaitre l’Histoire, oui connaitre l’Histoire, pour reconnaitre notre responsabilité de l’écrire à notre tour.
La mémoire, je sais que vous y êtes particulièrement attachés. Votre mémoire, ici en France, et la mémoire aussi entretenue dans la relation des juifs de France avec Israël. Je sais le lien qui vous unit à Israël. Israël, pour les juifs de France, comme ceux d’ailleurs du monde entier, c’est d’abord l’Etat refuge. On raconte – c’est vrai – que c’est en assistant à la dégradation publique de DREYFUS, en 1895, dans la cour des Invalides, que Theodor HERZL, devant le spectacle de l’innocence outragée, en avait conclu que les juifs ne pourraient conquérir la garantie d’une existence digne et libre que le jour où ils disposeraient d’une patrie.”
Héraclite , 7 mars 2014 @ 23 h 03 min
Aucun : Meysonnet est un converti…
Sympathisant , 8 mars 2014 @ 9 h 35 min
Cette liste n’est pas seulement musulmane, mais aussi turque : la quasi-totalité des noms sont des noms de Turquie plutôt que du Maghreb.
Christin , 8 mars 2014 @ 10 h 02 min
C’est surtout problématique de constater l’incompétence probable de ces candidats, parmi lesquels une majorité de jeunes étudiants.
danvas46 , 8 mars 2014 @ 11 h 21 min
Vous exagérez! Il y a tout de même UN nom à consonance française (veuillez m’excuser, je n’ai pas trouvé d’autre mot…) dans cette liste! Je propose de l’exclure d’emblée: que veut faire un Français de souche dans une assemblée où il n’est pas chez lui? Il devrais plutôt voir vers quel autre pays il pourrait se diriger…
Daniel , 8 mars 2014 @ 13 h 13 min
Que des noms en letton : cela se nomme le grand remplacement !
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