Dans la carrière politique de François Fillon, et dans l’histoire politique de la Ve République, cette conférence de presse fera date, quelle que soit l’évolution de la campagne, et de l’affaire Fillon. D’abord par le choix de ce mode de communication. En créant l’événement par l’annonce de cette conférence de presse, M. Fillon a immédiatement placé sa personne et son propos à une certaine hauteur. Nettement au-dessus du « 20 Heures » de TF1, ou du message Facebook. Quelle hauteur ? Celle d’un homme d’État, dans la lignée des grandes conférences de presse présidentielles. Une hauteur manifestant la gravité de l’enjeu.
Mais cette conférence du 6 février 2017 marquera aussi un tournant car les Français de droite plongés dans le doute depuis dix jours auront le sentiment d’avoir enfin retrouvé l’homme qu’ils avaient désigné il y a deux mois. Et qui, il faut bien le dire, semblait ne pas répondre depuis le début de cette crise.
L’homme courageux et tenace, capable de faire face, d’assumer, de se défendre, de répondre aux accusations.
L’homme résolu à affronter le système des médias. Et, pour le coup, l’affrontement n’était pas une posture.
Sur le fond de l’affaire, il a rappelé quelques vérités de bon sens que l’emballement médiatique rendait inaudibles : la légalité de ces emplois, la liberté du parlementaire quant au choix et à la rémunération de ses collaborateurs dans l’enveloppe attribuée, la grande variété de leur travail.
Il s’est, aussi, légitimement appuyé sur deux grands principes constitutionnels : la séparation des pouvoirs et le secret de l’instruction, particulièrement bafoués ces derniers jours.
Il a su, encore, sans effet de manche à la Sarkozy ou à la Chirac, retourner le doute à son avantage. Oui, le moment de l’éclatement de cette affaire et la rapidité du parquet sont pour le moins troublants. Oui, alors que plus de cent parlementaires emploient des membres de leur famille, cet acharnement sur son cas et sa famille pose question. Oui, présenter tous les jours un nouvel aspect des mêmes faits, sans élément réellement nouveau, comme une révélation sensationnelle (montants cumulés en brut sur plusieurs années pour atteindre le chiffre magique du million, fac-similé d’un chèque, absence de badge) n’est pas à l’honneur de la presse française.
Politiquement, à droite, Fillon se sait et se situe comme LE candidat incontournable, irremplaçable. Désigné par plus de trois millions d’électeurs, il peut légitimement se présenter, non comme « le candidat d’un parti » mais du peuple de droite. Cette onction populaire anéantit tout recours à un plan B, à commencer par le rappel du recalé Juppé. À droite, tous savent désormais qu’ils sont pris dans cet étau gaullien.
Si aucune autre révélation solide ne vient relancer le doute que M. Fillon a, ce soir, réussi à dissiper dans son électorat, cette conférence de presse marquera le début de sa résurrection. Mais elle lui donnera aussi une arme redoutable contre la gauche qui apparaîtra alors, dans l’esprit de bien des Français, comme l’instigatrice de cette tentative de déstabilisation politique, destinée à conserver le pouvoir par tous les moyens.
Surtout, cet « homme debout » dans l’épreuve a de nouveau manifesté un style fait de retenue, d’équilibre et de détermination que l’on n’a plus vu depuis longtemps à l’Élysée et que l’on est bien en peine de déceler chez les autres candidats à cette présidentielle.
Pascal Célérier – Boulevard Voltaire