Mon héros de la semaine / Renée Bodereau dite Langevin

Par Alain Sanders

 

Les 21 et 22 décembre derniers, histoire sans doute de fêter Noël façon Temple de la Raison, France 3 a diffusé – en deux parties – un téléfilm intitulé : Une femme dans la Révolution. A savoir l’histoire de Manon, « humble paysanne vendéenne » qui, victime d’un méchant – bien sûr – vicomte, s’enfuit à Paris. Elle s’y éprend d’un député du tiers-état, fricote avec le peintre David (aussi fanatique qu’un Marat, rappelons-le au passage) et voue une admiration sans borne au terroriste Robespierre, pourvoyeur de guillotine.

Faire d’une paysanne vendéenne, alors que les femmes de Vendée furent, avec les enfants, les premières victimes du génocide républicain, relève d’un inquiétant révisionnisme. Ce n’est évidemment pas innocent.

Aussi permettez-moi, cette semaine, de vous parler d’un héros historique. En l’occurrence une héroïne qui a réellement existé, elle : Renée Bodereau dite Langevin.

Simple paysanne, originaire de Soulaines, elle va rejoindre la chouannerie d’Anjou pour venger la mort de ses parents fusillés par les Bleus. Dès lors, cette petite jeune fille, élevée dans de stricts principes religieux et moraux, revêt l’habit de garçon (d’où son surnom : « Langevin ») et se bat mieux qu’un homme.

Son destin va croiser, notamment, celui de Jean Cottereau (Jean Chouan), lui aussi un simple paysan qui sera la figure principale de l’insurrection populaire dans le Maine. La communauté de leur idéal et l’identité de leurs méthodes de combat – la guérilla – ont été excellemment décrits dans un livre malheureusement peu connu de Gobineau (publié en 1846) : Chronique rimée de Jean Chouan et de ses compagnons.

C’est en usurpant le nom d’un de ses frères que Renée, sous le nom de Langevin, se fera engager dans la cavalerie vendéenne. Blessée plusieurs fois, elle fera des dégâts dans les rangs des Bleus, les dépêchant vers l’Enfer « sans en ressentir la moindre honte », dira-t-elle plus tard.

Passée à la clandestinité pendant plus de deux ans, Renée Bodereau « repiquera » à la chouannerie en 1799, devenant un chef de bande redouté. En 1809, dénoncée par un mouchard, elle sera capturée et emprisonnée trois ans. A sa libération, établie à Paris, elle restera jusqu’à sa mort une irréductible rebelle.

Rappelons que les femmes contre-révolutionnaires, de toutes conditions, furent si nombreuses – et en première ligne – que Jaurès, dans son Histoire du socialisme, argue de ces engagements guerriers pour « justifier » qu’on en ait tué autant (1)…

Dans la seule période 1790-1792, on pourrait encore citer les noms de ces deux paysannes, Rafin et Ganachand qui, à Apremont, vinrent crier publiquement – à tous risques, bien sûr – leur dégoût aux autorités révolutionnaires. A Saint-Etienne-du-Bois, la veuve Raynard, une paysanne elle aussi (mais pas du genre à aller fricoter avec Robespierre à Paris…), dira – à tous risques, là encore – leurs quatre vérités aux « bourgeois laïciseurs ». A Saint-Christophe-du-Ligneron, il fallut faire donner les gendarmes pour dégager des officiers de la Garde nationale capturés par un parti de femmes.

A Saint-Julien-de-Concelles, Françoise Blouin, qui fabriquait des cartouches pour les Blancs, fut envoyée au supplice. Dans le canton de Montaigu, une toute jeune fille, Perrine Loizeau, abat trois Bleus. Elle est massacrée. Et c’est encore une simple paysanne (une « humble » paysanne, comme dit France 3 en parlant de sa mégère robespierriste…), Madeleine Tournavet, qui servira un temps de garde du corps à Charrette. Etc.

La vie de chacune de ces femmes – et de combien d’autres encore – suffirait à elle seule à faire l’objet de passionnants téléfilms. Mais on préfère nous refourguer une improbable Manon, vendéenne et révolutionnaire, au mépris de la simple vraisemblance historique…

(1) Sur le sujet, voir le livre de Bernard Antony, Jaurès, le mythe et la réalité (Editions de l’Atelier Fol’Fer).

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