La Manif pour tous a fait descendre dans la rue des centaines de milliers de personnes. C’est une formidable réussite sociétale : à terme, la génération 2013 remplacera la génération 68. Mais c’est un échec politique. En interdisant à leurs troupes, le 24 mars 2013, de descendre sur les Champs-Élysées (et en condamnant ceux qui s’y sont retrouvés), les dirigeants de LMPT ont permis le vote de la loi Taubira. En se félicitant de l’absence de tout incident le 5 octobre 2014 (et en collaborant avec la préfecture de police contre les « trublions » possibles), les dirigeants de LMPT ont donné quitus au gouvernement pour ses mauvaises actions ; tout en lui donnant un feu vert pour démanteler le principe d’universalité des allocations familiales. En deux ans, jamais autant de mesures antifamiliales n’ont été adoptées.
Les « zadistes », les occupants illégaux de terrains menacés par des projets d’aménagement, sont moins propres sur eux que les manifestants LMPT et beaucoup moins nombreux : quelques centaines d’activistes, quelques milliers de manifestants à Sivens, quelques dizaines de milliers à Notre-Dame-des-Landes.
Mais leurs violences ont débouché. À l’arrêt du projet d’aéroport après l’action des « casseurs » à Nantes. À la suspension du barrage dans le Tarn après la mort de Rémi Fraisse, dans le cadre d’une action pourtant normale de rétablissement de l’ordre par la gendarmerie. Je me réjouis, pour ma part, de ces retraits : en luttant contre l’artificialisation infinie des sols français, les « zadistes » défendent de facto nos paysages et notre patrimoine, et par là même …l’identité de la France. Comme les « terroristes » corses l’ont fait en retardant le bétonnage de leur île.
Reste que c’est deux poids, deux mesures. Une action bon enfant contre le « mariage gay » devient aux yeux des médias un « débordement violent de l’extrême droite ». Et il devient interdit de contester l’application de la loi Taubira : « une loi de la République » que maires UMP et FN mettent en œuvre scrupuleusement. En revanche, les actions infiniment plus violentes des « zadistes » bénéficient de l’indulgence des médias. Et José Bové les justifie au nom de la « désobéissance civique ». Un terme qui n’est pas sans force et qui rappelle Antigone. D’autant qu’aujourd’hui la démocratie dite « représentative » a été détournée par les lobbys.
La conclusion est sans appel. À l’aube du XXIe siècle, la violence illégale, mais parfois légitime, reste un acteur majeur des décisions politiques. On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs.
Jean-Yves Le Gallou