Noir, c’est noir

Dans Présent de jeudi dernier, Francis Bergeron a épinglé les… noirs desseins des Khmers rouges, verts et roses de la mairie de Paris qui ont obtenu le décrochage de l’enseigne séculaire Au Nègre joyeux, une ancienne chocolaterie parisienne datant du XVIIIe siècle (1748).

Ce n’est pas nouveau. Il y a déjà quelque temps que le célèbre Bal nègre de la rue Blomet a été débaptisé pour devenir – bonjour l’inspiration – un anodin Bal Blomet.

Jusqu’où iront-ils dans le délire ? Jusqu’à interdire l’expression « nègre littéraire », fonction où excella le « nègre » d’Alexandre Dumas (lui-même mulâtre) l’industrieux Marquet ?

Quid, également, des centaines d’œuvres qui comportent le mot nègre dans leurs titres ? Je me suis amusé à consulter ma bibliothèque pour en sortir quelques-uns que je soumets à la dinguerie racialiste des censeurs. Des exemples :

Les Dix petits nègres d’Agatha Christie (que d’aucuns ont transformé en Dix petits Indiens sans se demander si ça faisait plaisir aux Peaux-Rouges…)

Anthologie nègre de Blaise Cendrars

Le Nègre de Georges Simenon

Alain et le Nègre de Robert Sabatier

Le Nègre du « Narcisse » de Joseph Conrad

Le Nègre et l’Amiral de Raphaël Confiant

Critique de la raison nègre d’Achille Mmembe

Le Nègre de Napoléon de Raymond Chabaud

Elastique nègre de Stéphane Pair

Blanc comme Nègre d’Omar Bongo

Tête de Nègre de Daniel Picouly

La Rue Case-Nègres de Joseph Zobel

La Négresse blonde de Georges Fourest

La Négresse rousse de Belaya Calixthe

Etc.

Bref, je pensais avoir une bibliothèque d’honnête homme, je m’aperçois que j’ai des rayonnages « racistes » selon les critères des furieux idéologues…

Doit-on aussi dénoncer et fustiger Aimé Césaire qui déclarait : « Nègre je suis, nègre je resterai » ?

Va-t-on demander à la danseuse étoile Mireille Nègre de changer de nom ? Ou encore à Pascal Nègre, animateur de radio France ? A Georgina Dufoix, née Nègre ?

On notera que, dans le même temps, les chantres du black-out ne demandent pas la disparition du blanc cassé (dit aussi « blanc cass’ ») dans les bistrots où l’on peut encore (jusqu’à quand ?) commander un « p’tit noir »… Où continuer à préparer un blanc-mangé comme dessert quand la « tête de Nègre », cette succulente boule de chocolat noire, a disparu sous ce nom de nos pâtisseries depuis belle lurette.

Comme on disait naguère, « Rien de plus inutile que conseils à un fou, et savon à un Nègre pour se blanchir la peau »…

 

Alain Sanders – Présent

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