Comment le journaliste américain Hank Albarelli, spécialiste des services secrets, en est-il arrivé à croire que la CIA aurait pulvérisé du LSD sur les pains de la boulangerie de Pont-Saint-Esprit, en août 1951? Ce, dans le cadre d’un programme d’expérimentations sur la manipulation mentale réalisées aux Etats-Unis et peut-être en France.
À partir du 16 août 1951, une vague de puissantes hallucinations frappa les ¬habitants de cette agglomération du Gard de 5 000 habitants, faisant sept morts, trois cents blessés et une cinquantaine d’internés en psychiatrie. Les victimes, qui avaient toutes consommé du pain, furent prises de crises de démence, parfois après un effet retard de plusieurs jours.
Il était une libellule
Les journaux d’alors racontent que des hommes eurent l’impression que des serpents grouillaient dans leur estomac. Un habitant, qui avait une vingtaine d’années à l’époque, se souvient qu’il a entendu un villageois crier, debout sur le rebord d’une fenêtre, qu’il était une libellule… avant de se tuer en s’écrasant au sol.
Face à ce qui fut qualifié de «drame du pain maudit», les hypothèses furent nombreuses. Dans un premier temps, le boulanger et le meunier du village furent arrêtés et incarcérés, avant d’être mis hors de cause quelques mois plus tard. Les enquêteurs pensèrent également au mal des Ardents, une maladie qui avait causé des milliers de morts au Moyen Âge. Elle est due à l’ergot de seigle, un champignon parasite qui s’attaque aux céréales. Mais finalement, aucune explication définitive ne fut trouvée.
Soixante ans après les faits, Hank Albarelli éclaire l’affaire sous un nouveau jour. Au départ, le journaliste enquêtait sur la mort suspecte, en 1953, de Frank Olson, un biochimiste de la CIA spécialiste des armes chimiques.
Manipulation mentale
Cet homme multipliait les expériences sur les drogues dures, comme le LSD. Hank Albarelli fait alors le lien entre ce scientifique, déprimé parce que convaincu d’avoir commis une terrible erreur, et le drame de Pont-Saint-Esprit. Pour expliquer les actes que la CIA a peut-être commis dans le Gard, le documentaire replace la poli¬tique américaine dans le cadre de la guerre froide. C’est dans ce contexte que la CIA travaillait sur la manipulation mentale. Aux États-Unis, l’agence effectuait des expérimentations de type lavage de cerveau sur certains concitoyens, choisis parmi les plus fragiles, et à leur insu. Le but était d’obtenir, à force d’électrochocs ou d’injections de drogues, notamment du LSD, des individus capables de tout, y compris de tuer un ennemi désigné.