Souvent, notre progressisme affiché s’arrête là où commence l’éducation de nos enfants. On va prôner la mixité sociale et tricher avec la carte scolaire. Ou sortir un classique “j’ai rien contre les homos… mais mon gosse, j’aimerais pas”. Chez les Costa, famille lambda de type gauche tranquille, on cultive cette belle valeur : la cohérence.
Alors, quand Gwen, 15 ans aujourd’hui et 13 à l’époque, a annoncé pendant l’été 2016 à sa famille qu’il n’était pas une fille, mais plutôt un garçon, il y a bien eu un flottement, mais de courte durée.
“On a laissé passer l’été.” En septembre, les parents ont réuni leur tribu dans le salon familial : Gwen, la grande sœur Ambre (19 ans aujourd’hui) et le petit frère Cyprien (13 ans). Au menu de la réunion : le changement de genre de l’enfant du milieu.
Désormais, Gaïa voulait qu’on l’appelle Gwen, diminutif masculin de son deuxième prénom Gwenaëlle (c’est lui qui a choisi), et être “genré” au masculin. C’était le début de la transition de cet adolescent, et de son accompagnement par sa famille dans ce processus.
De plus en plus de mineurs
Gwen, mineur identifié comme transgenre, n’est pas une rareté.
L’adolescence, moment où le corps se “genre”, a toujours été une période charnière, de questionnement pour les personnes transgenres, mais “aujourd’hui, les jeunes trans vont être capables de mettre des mots beaucoup plus tôt sur ce qu’ils ressentent que les générations précédentes”, souligne Max, cosecrétaire d’Outrans. La raison tient en un mot : internet.
Comme les mineurs sont de plus en plus nombreux à se tourner vers l’association, elle va bientôt proposer un accueil et des permanences spécifiques pour ce public.
“Les mineurs transgenres sont dépendants de leurs parents et des adultes en général, profs, médecins, etc. Et sont donc vulnérables parmi les vulnérables”, souligne Max.
L’association propose déjà depuis cinq ans des permanences pour les proches, amis et familles, où on échange des stratégies, de l’info, et qui font aussi office de médiation.
“Ceux qui viennent chez nous peuvent tenir des propos douloureux pour leur enfant, mais au moins ils ont un désir d’accompagnement. Ce n’est pas le cas de toutes les familles”, analyse Max.
Régulièrement, la transidentité de l’enfant ne passe pas du tout. Certains mineurs transgenres n’ont pas le droit de s’habiller comme ils le souhaitent, ou sont juste ignorés dans leur demande de transition. Ce qui peut mener à la rupture familiale. Ou à des tentatives de suicide, dramatiquement nombreuses chez les jeunes trans.
Mais il y a aussi des cas, et heureusement, où ça se passe bien, où “la transidentité n’est pas une source de bouleversement atroce”. Où “c’est pas toujours facile facile mais c’est pas non plus la fin du monde.”
Ensemble au sex-shop
Gwen me raconte son histoire dans le salon de la maison familiale de Roissy-en-Brie, en partageant le gâteau au yaourt du dimanche après-midi. Il a l’air posé, mature et bien dans sa peau. “Plus ça va, mieux ça va”, résume-t-il avec philosophie. Même à l’école ? Oui, oui.
“Ça reste des lycéens donc ils vont critiquer ce qui n’est pas normal, mais rien de grave.”
Edwige, la mère de Gwen, qui prépare le concours d’institutrice, parsème la discussion d’infos générales sur la transidentité : elle tient clairement le rôle de documentaliste. Le père, Cyrille, qui est dans l’informatique, tempère et fait des blagues. Le reste de la famille nuance, précise ou charrie Gwen parfois.