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Laurent Fabius, l’ancien ministre des Affaires étrangères, pourrait rester dans l’histoire comme l’homme qui a estimé qu’Assad ne méritait pas de vivre ou encore qu’Al-Nosra faisait du bon boulot. Il pourrait, mais peut-être dans trois jours le monde et l’histoire oublieront-ils tous ces « détails » pour ne se souvenir que de l’actuel président du Conseil Constitutionnel comme du Prix Nobel de la Paix 2016 pour son action à la tête de la COP21.
Avant sa nomination, certains médias français décrivaient déjà « une stratégie de Laurent Fabius pour décrocher le prix Nobel de la Paix ». Après tout, ce prix prestigieux aux yeux de la communauté internationale est décerné suite à une action précise et n’englobe pas toute la vie et la carrière de la personne en question. Donc, la présidence de la COP 21, c’est précisément ce point dans la biographie de monsieur Fabius qui est éclairé encore davantage par la lumière nobélienne.
Jérôme Lambert, vice-président de la Commission des affaires européennes à l’Assemblée nationale et membre du Parti Socialiste, estime que cette nomination est très positive pour la France et judicieuse pour Fabius, mais que le Prix Nobel de la Paix n’est pas toujours attribué seulement « aux hommes de la paix »: « Je me souviens de l’élection de Barack Obama qui a obtenu le Prix Nobel de la paix, alors que Barack Obama a été toutes ces années un artisan de la paix véritablement. Simplement, on peut recevoir le Prix Nobel de la paix, les exemples ne manquent pas, pour des actes particuliers qui ont marqué un moment de la vie d’une personne. C’est parfois toute une vie, parfois ce sont des événements majeurs. En ce qui concerne Laurent Fabius, c’est indéniable que le rôle qu’il a joué pendant la COP21 a certainement facilité, voire permis cet accord mondial qui est si important pour l’avenir de la planète. » La carrière de Laurent Fabius fut longue et comme « tous les responsables politiques de cette planète » il a le droit à l’erreur, certifient certains de ses confrères du PS, à l’exemple de Jérôme Lambert. D’autres, comme Gilbert Roger, sénateur socialiste de Seine St Denis, estiment que « le chemin de paix » de Laurent Fabius serait même irréprochable: “C’est la reconnaissance d’une action particulière qui a été la sienne, notamment pour la COP21, et qui a été une véritable réussite puisque désormais aujourd’hui on sait que l’accord de Paris est ratifié d’un point de vue mondial et universel. Il a, je crois, été un ambassadeur actif de la paix dans le monde. Il n’y a pas, je n’ai pas de reproches à faire. L’action qui a été la sienne est aussi déterminante sur l’éclaircissement désormais des relations avec l’Iran. C’est les choses qu’il a su faire. »
Christian Hutin, membre du MRC et vice-président de la commission des affaires sociales, félicite la France et Laurent Fabius de cette nomination, mais il explique que l’attribution du prix Nobel de la Paix ne devrait pas se faire dans l’immédiat: « Moi, je considère que le Prix Nobel de la paix doit être donné à quelqu’un qui fait quelque chose dans le cadre de son action […] Les Prix Nobel de physique, de chimie sont donnés à des gens qui ont fait des études depuis dix ou quinze ans et où il y a eu un certain recul. Je ne pense pas que le Prix Nobel puisse être donné à quelqu’un qui est dans le temps présent, dans l’action immédiate. Parce que dès qu’on donne quelque chose d’extrêmement important, il est essentiel de penser [dessus], d’avoir un petit peu de recul. Pour les casques blancs, c’est l’immédiateté, pour la COP21, c’est beaucoup trop tôt aussi et est-ce que la paix a un rapport avec l’aspect environnemental de la planète, oui, probablement, mais c’est beaucoup trop tôt. »
La petite phrase sur le « bon boulot » d’Al-Nosra fait encore bondir, notamment à droite et à l’extrême-droite, quand on évoque Laurent Fabius. Mais toute la gauche n’est pas émerveillée par cette nomination, explique Djordje Kuzmanovic, secrétaire national du Parti de Gauche en charge des questions internationales et de défense: « J’ai d’abord cru que nous étions déjà le 1er avril puisque M. Fabius a surtout contribué à pousser a plus deux guerres dans le monde, en particulier en Ukraine et en Syrie, où il a joué le rôle tout à fait délétère ce qui l’a disqualifié certainement pour recevoir un Prix Nobel de la paix qui est une chose sérieuse. »